Russie : Nord Stream 2 lâché par l’Allemagne ?

La nouvelle présidente de la CDU allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer, pourrait s’avérer plus intransigeante que sa prédécesseur à l’égard de la Russie et, notamment, du projet de doublement du gazoduc Nord Stream 2.

Dès avant son élection du 7 décembre 2018, celle qu’on qualifie depuis des mois de nouvelle dauphine d’Angela Merkel a fait un lien immédiat entre la saisie, le 25 novembre 2018, de trois navires ukrainiens par la Russie dans le détroit de Kertch et la possible réduction des flux de gaz russe alimentant l’Allemagne via la mer Baltique. Elle a complété ses déclarations en affirmant que l’Union européenne et les États-Unis devraient, conjointement, envisager de bloquer les navires russes provenant de la mer d’Azov.

En appelant de ses vœux un rapprochement avec la politique américaine sur le front de la mer Noire tout en liant les conséquences des actions russes au devenir du gazoduc baltique, A. Kramp-Karrenbauer doit réjouir Washington où le Président Donald Trump n’a de cesse, depuis son élection, de lancer des coups de boutoir contre ce tube qui le gêne pour promouvoir les exportations de gaz américain vers le continent européen.

En effet, Nord Stream 2, dont le coût devrait avoisiner les 11 milliards de dollars et qui vise à doubler dès la fin 2019 la capacité du premier tube baltique (55 milliards de m3 par an) dans une stratégie russe de contournement de l’Ukraine, n’est pas bien vu par les États-Unis au moment où ces derniers souhaitent accroître leurs ventes de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment en Europe. Jusque-là, D. Trump avait tempêté et menacé de rétorsions les entreprises européennes partenaires de Gazprom sur cette route du Nord Stream. Mais A. Kramp-Karrenbauer pourrait, par une convergence d’intérêts inopinée, lui faciliter la tâche.

Reste à savoir si l‘Allemagne, qui a délivré toutes les autorisations nécessaires à l’installation du second tube sous-marin et qui doit devenir, une fois installé, le principal hub européen d’un gaz russe bon marché, souhaitera vraiment pousser la logique jusqu’au bout. Compte tenu des forces politiques en présence et du poids du SPD sur la scène locale, Nord Stream 2 semble avoir de beaux jours devant lui. La nouvelle présidente de la CDU a noté, qu’à tout le moins, l’Europe pourrait décider des volumes de gaz russe livrés et veiller à les équilibrer avec des livraisons de GNL…

À supposer que ce retournement, lié à l’affaire des navires ukrainiens, aboutisse à un infléchissement de la posture de l’Allemagne, il ne devrait de toute façon par profiter à Kiev puisque le gaz russe serait alors remplacé par du GNL… qui ne transitera pas plus par le territoire ukrainien.

Sources : The Hill, GraphicNews.com, Die Zeit, Reuters.