Depuis plusieurs décennies, une partie importante de la population albanaise migre en Europe de l’Ouest. Selon l’Institut statistique d’Albanie, 38 703 Albanais ont ainsi quitté leur pays en 2018 (soit un peu moins qu’en 2017) et le solde migratoire est resté négatif (de 15 000 habitants). Les émigrants sont surtout de jeunes actifs et des étudiants qui, à l’issue de leur séjour à l’étranger, ne rentrent pas.
La situation est encore plus complexe pour les populations les plus défavorisées, principalement les Roms. Selon les autorités, ils sont près de 15 000 en Albanie, soit 0,3 % de la population, mais ce chiffre semble très en-deçà de la réalité. Les familles qui vivent dans les quartiers roms ont subsisté pendant de nombreuses années grâce à la récupération d’objets dans les déchetteries et les poubelles communales.
Or, depuis l’été 2018, la précarité des Roms de Tirana a significativement augmenté, la mairie ayant ouvert une nouvelle usine de retraitement des déchets, Eco Tirana. Dès lors, l’accès à la déchetterie de Sharra a été interdit aux anciens collecteurs de matériaux recyclables (métaux, papier et plastique), soit plus de 2 000 personnes. Dans le même temps, le maire de la capitale, Erion Veliaj (Parti socialiste), a intensifié la lutte contre ces collecteurs de déchets en délivrant des amendes administratives et en diligentant des poursuites pénales à leur encontre en tant que « voleurs de déchets ».
Bien que Durrës (deuxième ville du pays) ait été précurseur en Albanie pour la mise en place d’un système moderne de collecte des ordures ménagères, en faisant appel dès 2015 à deux sociétés du secteur, c’est désormais Tirana qui semble servir de modèle. À l’instar de la capitale, les filières de retraitement de déchets se développent dans l’ensemble du pays, privant nombre de collecteurs de tout revenu. Dans ces conditions, les membres de la minorité rom, dont le taux de chômage avoisine les 50 %, s’expatrient encore davantage en Europe de l’Ouest (Allemagne, Suisse, France, etc.), une tendance observée dès le début de 2019.
Ces départs sont vraisemblablement aussi liés à l’instabilité politique observée depuis quelques mois, les violences s’étant multipliées depuis février 2019 entre les opposants à Edi Rama et les forces de l’ordre. Accroissant l’incertitude et les tensions dans le pays, cette situation encourage la minorité rom à chercher ailleurs un quotidien plus serein.
Sources : Institut statistique d’Albanie, Portail électronique de la mairie de Tirana, Porta Vendore, Citizens Channel.