Arménie : l’élection de N.Pashinian, fin de crise ou simple report des hostilités?

Par Stéphan Altasserre (sources : The Armenian Weekly, Nouvelles d’Arménie, News 1 TV)

Le 8 mai 2018, Nikol Pachinian, journaliste, député et figure emblématique de la «contestation de la rue» contre le Parti républicain arménien (HHK) depuis près de trois semaines, a été élu (par 59 voix contre 48) Premier ministre de la République d’Arménie par l’Assemblée nationale. Largement salué pour cette élection, le nouvel élu a pu profiter de cette première victoire. Même le président russe Vladimir Poutine et son prédécesseur Karen Karapetian (Parti républicain) l’ont immédiatement félicité.

Le 1er mai dernier le parlement avait pourtant rejeté une première fois la candidature de l’intéressé, alors qu’il était seul en lice, avant que des mouvements de foule ne paralysent en quelques heures le centre-ville d’Erevan, obligeant la majorité parlementaire à revoir sa position. Sept jours après ces troubles, le second vote s’est donc avéré favorable à N.Pachinian.

Ce dénouement n’est pas étonnant, le HHK étant acculé: dans le cas où aucun candidat n’aurait été investi, cet échec aurait automatiquement entraîné la dissolution du Parlement. Auquel cas, les élections qui auraient suivi auraient bien pu se révéler très défavorables aux républicains. Le parti a donc demandé à treize de ses députés de soutenir le candidat Pachinian.

Mais ce dernier, s’il est victorieux et reste soutenu par la Fédération révolutionnaire arménienne, l’alliance Yelk et Arménie Prospère, se retrouve désormais dans une situation délicate, puisqu’il doit gouverner avec une Assemblée toujours dominée par le Parti républicain (58 sièges sur les 105 de la chambre), qui lui est hostile. Vahram Baghdasarian, le chef du HHK, n’a pas caché ses réserves sur la capacité du nouveau Premier ministre à gouverner. Lors de son discours d’investiture, N.Pachinian a promis de rester un «serviteur du peuple», de mener à bien de nombreuses réformes (contre la corruption et la pauvreté dans le pays, ou encore en faveur du droit des femmes). Pour concrétiser ses projets, un bras de fer avec le parti de Serge Sargsian (ancien président objet de la contestation) paraît inévitable.

Dans cette entreprise, le principal atout de N.Pachinian est que ses ennemis politiques, les membres du HHK, ne souhaitent pas provoquer une dissolution de l’assemblée sous la pression de la rue. La majorité d’entre eux semble avoir tiré les leçons des derniers événements et avoir pris conscience qu’elle ne doit pas s’opposer durement et brutalement aux projets de réformes, mais jouer la montre, afin de reprendre l’avantage et de ne pas provoquer de nouvelles réactions de la population dans les rues de la capitale.