Bosnie-Herzégovine : demande de révision de la décision de la CIJ dans l’affaire des crimes serbes contre l’humanité en Bosnie

Par Stéphan Altasserre (sources : Slobodna Bosna, Sarajevo Times, B92, page officielle du président Bakir Izetbegović))

En 2006, la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye a rendu sa décision dans l’affaire portant sur les crimes contre l’humanité commis pendant la guerre de Bosnie (1992-1995) instruite contre la Serbie. Son arrêt mettait en cause Belgrade, qui aurait enfreint la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (du 9 décembre 1948) en ne cherchant ni à empêcher, ni à punir les auteurs des massacres de Srebrenica (juillet 1995). Bien qu’allant dans son sens, cette décision n’a pas satisfait la Bosnie-Herzégovine, et en particulier sa composante bosniaque pour qui la Serbie était directement responsable du génocide commis sur son territoire.

Depuis la fin de la guerre, la Bosnie-Herzégovine est dirigée par un triumvirat regroupant trois membres représentant respectivement les trois composantes nationales (Bosniaques, Serbes et Croates). Le 4 octobre 2016, sous la Présidence exercée par Bakir Izetbegović (mars 2016-novembre 2016), membre élu par les Bosniaques, ce dernier a missionné le juriste Sakib Softić pour représenter la Bosnie-Herzégovine devant le tribunal de La Haye. Il lui a également donné procuration pour réaliser un audit sur l’implication de la Serbie et de la République serbe de Bosnie lors du conflit. S.Softić travaille depuis de nombreuses années à collecter de nouveaux éléments pour obtenir une révision du jugement de la CIJ.

Le 17 février 2017, une consultation d’experts et de personnalités favorables à une révision de l’affaire a été organisée par B.Izetbegović à Sarajevo. Parmi les participants, en dehors du membre bosniaque de la Présidence, on notait la présence du Reis-ul-ulema (chef religieux des musulmans) de Bosnie Husein ef. Kavazović, des anciens membres de la Présidence de la Bosnie-Herzégovine Beriz Belkić et Željko Komšić, de l’ancien président de la Fédération de la Bosnie-Herzégovine Ejup Ganić, ainsi que celle du président de la Chambre des représentants de l’État central bosnien Sefik Džaferović. À l’issue de la réunion, un soutien unanime a été apporté à S.Softić dans sa mission auprès de la CIJ.

Cet événement survient en pleine crise diplomatique entre Milorad Dodik, président de la République serbe de Bosnie (RS), et Washington. Ces tensions internationales font suite aux récents discours polémiques de M.Dodik remettant en cause les accords de Dayton (1995) et la réplique rapide de la Maison-Blanche gelant les biens personnels du dirigeant de la RS aux États-Unis.

La consultation commandée par B.Izetbegović a fait réagir Mladen Ivanić, le membre du triumvirat assurant la Présidence bosnienne depuis novembre 2016. En effet, le 18 février 2017 ce dernier a déclaré qu’il ne pouvait pas y avoir de demande de révision officielle sans l’aval de la Présidence bosnienne et qu’il avait l’intention d’envoyer une lettre à la CIJ pour l’en aviser. Il a ajouté que l’initiative de B.Izetbegović constituait un abandon du consensus dans la prise de décision de la Présidence.