Bosnie-Herzégovine : révélations de la CIA sur la signature des accords de Dayton

Par Stéphan Altasserre (sources : Telegraf, Slobodna Bosna, Dnevni Avaz)

Le 31 mai 2017, la CIA a rendu publiques 13 millions de pages électroniques d’archives déclassifiées. Parmi ces documents se trouvait un rapport en date du 15 novembre 1995 portant sur les négociations de Dayton et qui ont abouti à l’accord ayant mis fin à la guerre de Bosnie (1992-1995).

Cette archive témoigne qu’Alija Izetbegović, président de la République de Bosnie-Herzégovine depuis 1990, avait subi des pressions de la part de Washington pour l’obliger à accepter l’accord de Dayton.

À l’époque, le président Clinton avait missionné Richard Holbrooke pour obtenir un accord rapide entre les trois parties (Bosniaques, Bosno-serbes et Bosno-croates). Il souhaitait donc présenter un projet d’État acceptable pour la partie serbe, leur proposant malgré leur défaite militaire la création d’une entité regroupant principalement leur ethnie et composant 49% du territoire bosnien. Les Américains comptaient sur leurs alliés bosniaques pour les soutenir, sauf qu’après plus de quinze jours de négociations, aucune avancée notable n’avait été observée permettant d’espérer la prochaine signature d’un accord.

Clinton avait alors fait savoir à A.Izetbegović que, si les négociations échouaient, la FORPRONU (Force de protection des Nations unies, déployée pour créer les conditions de paix en ex-Yougoslavie) se retirerait de Bosnie-Herzégovine. Il faudrait alors attendre d’autres négociations, qui ne se dérouleraient pas sur le sol américain. Il lui avait également signifié que, si tel était le cas, les États-Unis ne seraient plus en position de force pour soutenir leurs alliés bosniaques et n’appuieraient plus l’entrée de Sarajevo dans l’OTAN. Enfin, sans accord, Washington n’apporterait pas le soutien économique promis pour la reconstruction.

Face à ces menaces, le président bosnien a accepté de signer l’accord le 14 décembre 1995 avec le représentant croate, Franjo Tuđman, et celui de la partie serbe, Slobodan Milošević.

Ces récentes révélations n’ont fait que confirmer les soupçons de la société civile bosniaque, à la fois surprise et heurtée par l’étendue des concessions faites lors de cet accord et par le découpage du territoire en deux entités (Fédération de Bosnie-Herzégovine et République serbe de Bosnie). Les élites politiques bosniaques se sont toutefois montrées prudentes dans leur réaction pour conserver l’appui de Washington, précieux pour faire pression sur le président de la République serbe de Bosnie Milorad Dodik et pour ne pas ralentir le processus d’intégration à l’OTAN de la Bosnie-Herzégovine.