Crimée : le pont du détroit de Kertch, une urgence…

Par Céline Bayou (sources : Rossiïskaïa Gazeta, Most-kerch.org, Kerch-most.ru)

Le projet ne date pas d’hier puisqu’un premier pont traversant le détroit de Kertch et reliant la péninsule éponyme en Crimée et celle de Taman située dans le kraï de Krasnodar avait été construit en 1944, détruit six mois après sa mise en service pour vice de construction. En 2010, les Présidents ukrainien et russe, Viktor Ianoukovitch et Dmitri Medvedev, s’étaient accordés sur un futur pont, inclus dans le projet d’autoroute de la mer Noire. Dans l’idéal, ce pont aurait dû être achevé avant les Jeux olympiques de Sotchi, en 2014. Long de 4,2 kilomètres et large de 22 mètres, situé à une hauteur de 50 mètres, il devait être doté d’une autoroute, d’une voire deux voies ferrées et de trottoirs pour piétons.

Depuis l’annexion de la Crimée à la Russie en mars 2014, ce projet a repris de la vigueur, après quelques atermoiements évoquant un possible tunnel en lieu et place du pont. Le Président russe estime le projet prioritaire et souhaite le voir réaliser au plus vite. La Russie serait prête à y consacrer l’équivalent de 3 milliards de dollars. Le pont devrait pouvoir entrer en fonction dès 2018 et, a priori, devrait comprendre sur deux niveaux une voie autoroutière et une voie ferroviaire.

Le 26 mai 2015, des auditions publiques ont été organisées simultanément à Kertch et à Taman, rassemblant environ 200 personnes, pour évoquer les conséquences environnementales des travaux à venir. Une étude environnementale est en cours afin d’évaluer les risques pour le milieu et la qualité de vie. D’après Viktor Tarassenko, président de l’Académie des sciences de Crimée, le résultat consistera en huit tomes bien renseignés, comprenant chacun plus de 1.500 pages de texte et de schémas. L’Institut pétersbourgeois en charge de cette étude géologique, écologique, hydrologique et atmosphérique doit procéder à des examens notamment sur la péninsule de Taman, sur l’île de Touzla et sur le territoire de Kertch.

Déjà, il est annoncé que l’impact des travaux de construction sera négligeable pour l’environnement. Avec précision, on avance que, certes, les ressources halieutiques du détroit de Kertch subiront quelques dégâts, évalués d’ores et déjà à 1.236,35 kg de poisson et que, pour compenser ces pertes, 16.000 jeunes esturgeons d’un poids d’1,5 kg seront réintroduits après travaux.

Une fois cette étude rendue, probablement d’ici la fin de l’été, la Russie souhaite construire un premier pont provisoire et nettoyer les fonds du détroit des armes et mines abandonnées depuis la Seconde Guerre mondiale, mais aussi des trésors archéologiques qu’on peut encore y trouver.

Parmi les questions soulevées lors de ces auditions, des habitants de Kertch ont demandé si le passage sur le pont serait payant et s’il serait encore possible, une fois l’ouvrage achevé, de venir se reposer sur l’île de Touzla. Les réponses, leur-a-t-on dit, viendront plus tard, lorsque le parcours précis du pont aura été arrêté par les spécialistes.