Entretien avec Viatcheslav Chmyrov

Au-delà de ces problèmes économiques très pragmatiques, le cinéma russe est aussi en quête d’une nouvelle âme et de nouveaux repères. Viatcheslav Chmyrov, rédacteur en chef de la revue Kinoprozess et directeur adjoint de l’Union des cinéastes russes, nous a livré sa vision de l’essence du cinéma russe contemporain.


Peut-on parler d’un essor du cinéma russe ces dernières année?

Il me semble qu’il est encore tôt pour parler d’un essor, au mieux peut-on parler d’une progression. Aujourd’hui, on assiste à un changement de génération. Ce ne sont plus les “réalisateurs classiques “ des années 60-70 qui orientent le cinéma contemporain, mais de jeunes metteurs en scène. Evstigneev a 40 ans, Sokourov a 50 ans. Mais on en revient aussi aux classiques de la littérature soviétique, on assite à un retour des valeurs idéologiques. Récemment, on a réalisé plusieurs films sur la “ Grande guerre patriotique“ : Etoile de Lebedev, En août 44 de Ptachouka [NdT : le film, très controversé, raconte les “ exploits “ d’un commando chargé de liquider les déserteurs durant la seconde guerre mondiale. Ce commando est dénommé Smerch, contraction du terme russe pour morts aux espions].

Quelle voie emprunte le cinéma russe ?

Il me semble que notre cinéma doit suivre sa propre voie, une voie proprement russe. Les réalisateurs russes ne sont pas des artisans qui peuvent travailler dans les limites d’un genre déterminé, le thriller, la comédie etc. Chez nous, on mélange tous les genres. Et c’est cette voie qu’il faut suivre.
Passé un moment, les réalisateurs ne pensaient qu’aux festivals car le système de distribution était détruit. Les festivals étaient l’unique possibilité de projeter un film. Aujourd’hui, les nouveaux réalisateurs essayent de se tourner vers les spectateurs. Le film d’Evstigneev Faisons l’amour est un excellent exemple. C’est l’histoire d’un jeune homme en quête d’une première expérience sexuelle. Le film est drôle, mais aussi lyrique, il s’adresse à un large public.

Quels films devraient réaliser les cinéastes russes pour les exporter à l’étranger ?

Il me semble que ni notre cinéma d’auteur, ni notre cinéma commercial n’intéressent les spectateurs européens et américains. Le cinéma d’auteur affirme son adhésion aux valeurs européennes et ressemble au cinéma européen. Les productions commerciales ne peuvent pas attirer beaucoup de monde car elles ressemblent à celle d’Hollywood, mais sont de moins bonne qualité. L’Europe s’intéresse avant tout aux films brodés de traits nationaux, qui parlent de l’énigmatique âme russe. Les films de Pavel Lounguine ou le dernier film de Mikhaïlkov Le barbier de Sibérie sont de cette veine là.

 

Par Ludmila BYLODUCHNO