Estonie : le budget de la recherche, enjeu politique

La Présidente estonienne, Kersti Kaljulaid, déjà peu enthousiaste face à la coalition gouvernementale en place depuis quelques semaines, vient de faire part de sa colère après l’annonce du relatif désengagement financier de l’État au regard de la recherche scientifique.

Le gouvernement a en effet fait savoir qu’il ne procéderait pas à la hausse initialement prévue des dépenses de recherche et développement. La communauté scientifique, les établissements d’enseignement supérieur et certains entrepreneurs s’en sont émus ; la Présidente dit partager leur frustration.

Un accord sur ce budget avait pourtant été trouvé le 27 décembre 2018 et signé par la Présidente : il prévoyait de faire passer le budget de la recherche de 0,7 % à 1 % en trois ans. Il avait été approuvé par les scientifiques, des entrepreneures et la plupart des partis présents au Parlement (alors au nombre de six). Seul le Parti conservateur d’Estonie (EKRE) n’avait pas voulu le signer, lui reprochant… son manque d’ambition. EKRE avait proposé un engagement situé à 2 %.

Visiblement agacée, K. Kaljulaid a fait part de son mécontentement sur les réseaux sociaux, posant la question de la valeur de la parole politique. Au-delà, elle interroge également la coalition sur l’enjeu économique de cette décision : « Il est question de la capacité des entreprises à se développer, ici, en Estonie, et à ne pas délocaliser leur production sous la pression salariale lorsqu’il est impossible d’accroître la valeur. »

Pour elle, si les scientifiques perdent confiance, ils iront ailleurs. Or, si les projets de recherche disparaissent, l’enseignement supérieur va s’étioler et l’économie s’en ressentir. Au final, l’Estonie se nourrira de solutions nées ailleurs, dont elle perdra les bénéfices économiques.

Déçu, Tiit Land, le recteur de l’université de Tallinn, a rappelé que le budget des universités n’avait pas augmenté depuis au moins cinq ans. Pour Mart Kalm, recteur de l’Académie des Beaux-Arts, c’est l’enseignement supérieur en langue estonienne qui est mis en danger, alors que la seule solution semble être l’ouverture des cursus aux étudiants étrangers contre frais d’inscription.

Après deux semaines de discussions, le gouvernement composé de trois partis que rien ne rapproche a fini par trouver un accord sur la stratégie budgétaire du pays pour les quatre années à venir, annoncé le 27 mai au soir. Très contraint, ce budget n’engagera pas la hausse pourtant espérée du niveau de retraite, du moins en 2020. Il procédera également à une réduction d’un quart environ des accises sur l’alcool, très commentée dans le pays.

Sources : ERR, Postimees, Baltic Course, Baltic Times.