Et le Kazakhstan s’ouvre au monde…

Ex-république soviétique, le Kazakhstan s'est posé depuis 1991-92 comme un farouche défenseur de son indépendance et de son intégrité territoriale, tout en cherchant à diversifier ses partenaires. Il tente de trouver un contrepoids à l'influence de la Russie grâce à la coopération régionale et à un rapprochement avec les Etats-Unis et l'Europe d'une part, avec la Chine d'autre part.

La mer Caspienne vue de l'espace (image satellite de la NASA).La politique extérieure d'Astana consiste avant tout à diversifier les partenaires politiques et commerciaux du pays. Par le commerce international et le développement économique, Nazarbaev veut garantir l'indépendance du Kazakhstan.

Pour un renforcement de la CEI

Prônant un renforcement de la coopération au sein de la CEI, le Kazakhstan fait figure d'exemple puisqu'il fait partie, depuis 1994, de l'union douanière avec la Russie, la Biélorussie et le Kirghizistan, et a signé l'accord de sécurité collective de 1992. Les membres de l'union douanière ont également signé, le 24 mars 1996, un accord d'intégration renforcée destiné à harmoniser les politiques et améliorer l'intégration économique, sociale et de défense. Néanmoins, le président Nazarbaev refuse catégoriquement d'allier le Kazakhstan à l'union Russie/Biélorussie.

Les relations avec les autres républiques d'Asie centrale demeurent néanmoins difficiles, notamment en raison de la concurrence qui se livre sur les marchés à l'exportation, des rivalités personnelles pour le leadership régional qui opposent principalement les présidents kazakh et ouzbek, ou encore du manque de réelle complémentarité entre les économies. Cependant, le Kazakhstan, le Kirghizistan et l'Ouzbékistan, après un traité d'amitié éternelle en 1997, ont signé, en février dernier, un mémorandum destiné à coordonner leurs économies nationales.

Des relations étroites avec Moscou

Bien que cherchant des contrepoids à la prédominance russe, le Kazakhstan conserve des relations étroites avec Moscou, malgré des périodes de tensions liées à des problèmes monétaires, de droit de passage du pétrole en territoire russe ou encore aux statuts de Baïkonour et de la mer Caspienne.
Le Kazakhstan est enclavé, ce qui gêne notamment l'évacuation des hydrocarbures. En 1998, les exportations de pétrole ont soit emprunté le réseau russe d'oléoducs, soit bénéficié d'accords avec l'Iran. Astana ne peut se passer de bonnes relations avec Moscou, d'autant que leurs économies sont fortement imbriquées. La Russie est le premier partenaire commercial du Kazakhstan avec 46 % des importations et 35% des exportations. La crise financière russe d'août 1998 a d'ailleurs frappé de plein fouet l'économie kazakhe qui devait déjà affronter les conséquences de la crise asiatique et de la chute des cours des hydrocarbures.

Moscou et Astana ont signé, le 6 juillet 1998, une déclaration d'amitié éternelle et d'unité orientée vers le XXIe siècle, dans laquelle il est écrit que « les relations russo-kazakhes revêtent une importance fondamentale pour les deux Etats » qui « s'efforceront avec détermination de renforcer et d'enrichir leur coopération dans tous les domaines » . La Russie a, elle aussi, intérêt à entretenir de bonnes relations avec le Kazakhstan tant elle cherche à préserver son influence en Asie centrale et craint de se trouver mise à l'écart dans une région qui se restructure et s'émancipe. De plus, le Kazakhstan sépare la Russie du monde islamique.

Alors que la question du statut de Baïkonour est réglée (le cosmodrome appartient au Kazakhstan mais continue d'être exploité par la Russie qui s'est engagée à verser 115 millions de dollars par an à Astana dès 1999), le sort des Russes en terre kazakhe continue d'être un point de friction. La Russie réclame l'instauration de la double nationalité au Kazakhstan ainsi que le statut de deuxième langue officielle pour le russe. Le président Nazarbaev parle, lui, d'égalité entre les deux communautés et se targue d'avoir 30 % de Russes parmi les membres de son gouvernement, tandis que d'autres évoquent une « kazakhization » de la société.

La Caspienne: lac international ou mer fermée ?

Le statut de la Mer Caspienne a longtemps constitué un problème récurrent entre les deux Etats. Après la chute de l'URSS, la Russie et l'Iran ont dû partager les rives de la mer Caspienne avec trois Etats nouvellement indépendants: le Turkménistan, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan. Tandis que Moscou et Téhéran s'étaient entendus par les traités de 1921 et 1940 sur le statut de lac, qui permettait de se partager les ressources de la Caspienne, les trois nouveaux riverains (en particulier l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan, qui disposeraient à eux seuls de 90% des réserves en pétrole connues) réclamèrent le statut de mer fermée avec une zone économique exclusive sur le plateau continental, conformément à la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer.

La Russie tenait à conserver le statut de lac pour freiner l'appétit des compagnies pétrolières occidentales et accéder en priorité aux richesses. Mais le 6 juillet 1998, après de longues discussions et craignant que les sociétés pétrolières russes soient écartées du « grand jeu », la Russie tombe d'accord avec le Kazakhstan. Leur accord sur la délimitation des fonds de la partie septentrionale de la Mer Caspienne prévoit un partage des zones offshore, alors que les eaux de la mer et leur exploitation resteront communes. En d'autres termes, la surface de la mer est à tous mais les fonds marins seront partagés par secteurs nationaux. Peu après la signature de cet accord, l'ambassadeur du Kazakhstan en Fédération de Russie, Tair Mansurov, espérait voir les trois autres Etats riverains négocier pour trouver un consensus .

L'omniprésence de l'or noir dans la politique étrangère kazakhe

Le secteur du pétrole progresse lentement en raison principalement des incertitudes sur les voies d'exportation. Astana a besoin d'oléoducs autonomes pour trouver une alternative au réseau russe et acquérir son indépendance économique.

Le Kazakhstan ne délaisse pas pour autant son partenaire russe, comme l'atteste le projet Caspian Pipeline Consortium entre le gisement de Tenguiz au Kazakhstan (exploité par des compagnies américaines) et le port russe de Novorossisk sur la mer Noire.

D'autres projets sont à l'étude. Tout d'abord le tracé Kazakhstan/Turkménistan/Iran jusqu'au Golfe Persique. Il est soutenu par l'OCE mais les Etats-Unis hésitent encore à évacuer le pétrole vers l'Iran. Il existe aussi un projet d'oléoduc reliant Aktaou (au Kazakhstan) à Bakou (en Azerbaïdjan), et d'oléoduc reliant le Kazakhstan au Turkménistan, lui-même relié à la Turquie par l'Azerbaïdjan et la Géorgie. L'option transcaspienne obtient la préférence américaine et, en tant que partie intégrante de la nouvelle route de la soie (qui évite la Russie mais surtout l'Iran), ce tracé bénéficie également du soutien du programme européen d'assistance TACIS. Le TRACECA (Transport Corridor Europe-Caucasus-Asia) a pour vocation de recréer un axe de communication Occident/Orient, de l'Europe à la Chine via le Caucase et l'Asie centrale.

Le rapprochement sino-kazakh

Astana multiplie les contacts et les possibilités. Ainsi, un projet avec la Chine est également à l'étude. Il prévoit, outre l'exploitation en commun d'un gisement, la construction d'un oléoduc de 2 822 kilomètres qui relierait un champ pétrolier de l'Ouest du Kazakhstan à la zone côtière chinoise, à travers le Xinjiang. Ce projet pharaonique coûterait certainement trop cher pour être réalisé (il ne manque pas cependant d'inquiéter Moscou). De plus, le Xinjiang, une province chinoise qui borde le Kazakhstan, est peuplé par 10 millions d'Ouïghours, turcophones et musulmans sunnites, aux aspirations séparatistes.

Au-delà du règlement du différend frontalier, la coopération sino-kazakhe existe d'ores et déjà puisqu'en 1997, la Corporation Nationale Chinoise du pétrole a acquis 60 % du capital d'Aktiotemunaigaz (malgré la concurrence des compagnies américaines) et a passé un accord avec l'Uzenmunaigaz. Ce rapprochement entre les deux Etats est mal vécu par la Russie, malgré une déclaration de partenariat sino-russe et l'existence du « Groupe de Shanghai » réunissant la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. En avril 1996, ce groupe de pays a signé un accord instaurant des mesures de confiance dans le domaine militaire et réduisant les forces armées le long de la frontière CEI/Chine. Par une déclaration commune du 3 juillet 1998, ses membres ont décidé de renforcer cette coopération militaire.

Les relations extérieures du Kazakhstan se diversifient inexorablement, n'en déplaise à Moscou. Astana s'applique néanmoins à maintenir des relations privilégiées avec la Russie, en même temps que les échanges avec les pays occidentaux se multiplient dans les secteurs cruciaux. Les rapports avec la Chine sont constructifs et la coopération régionale s'intensifie. Une telle politique étrangère constitue une source de stabilisation, d'émancipation et de développement économique pour le jeune Kazakhstan indépendant.

 

Par Carole CHARLOTIN
Vignette : La mer Caspienne vue de l'espace (image satellite de la NASA). Domaine public.

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