Itinéraire d’un soldat de l’UCK

Chassé de Kacanik, sa région natale, le jeune Azem âgé de dix-sept ans, ne voyait pas d'autre alternative qu'un engagement dans l'armée de libération du Kosovo. D'abord réfugié en Macédoine et hébergé chez un parent à Skopje, il décide ensuite de partir pour Tiranë via Tetovo afin de rejoindre un camp d'entraînement situé au nord de l'Albanie, à Krumë. Une période de formation militaire intensive d'un mois s'ouvre alors à lui. Ils sont nombreux, les jeunes garçons qui, comme lui, ont rejoint ce petit camp d'entraînement perdu au fin fond des montagnes albanaises.

Azem, soldat de l'UCKQuotidiennement, les cent quarante jeunes gens venus de Macédoine, d'Albanie ou même du Kosovo, comme Azem, vont s'entraîner dans le seul but de libérer le Kosovo. Azem est vite intégré dans une des quatorze sections du camp placé sous les ordres d'un commandant. Ici, la seule règle qui prime, outre les quelques grades en vigueur, c'est l'ancienneté au sein de l'UCK. Les plus avancés dans l'entraînement et le maniement des armes aident les jeunes recrues. La perte de temps n'existe pas à Krumë : du réveil, à six heures du matin, à la fin des activités, à dix-huit heures, seule deux courtes heures de pose sont consacrées à la toilette et aux repas; les cent quarante soldats se présentent rapidement dans l'une des deux douches du camp après s'être acquittés d'un bref passage au réfectoire.

Le reste du temps est occupé par l'entraînement physique, mais aussi par des séances de tir à la kalachnikov ou par un enseignement militaire de base. Le soir, après une rude journée, les recrues se retrouvent autour d'une bière dans les baraquements en bois. Cette "vie de caserne", apparemment banale, ne laisse cependant pas la place au doute: ces hommes ont un mois pour apprendre les rudiments de la vie militaire ainsi que les gestes qui leur sauveront peut-être la vie...Toute réflexion faite, ce mois est bien court...

La moyenne d'âge n'est pas élevée au camp de Krumë, nous confie le jeune Azem: les garçons ont pour la plupart de seize à vingt-cinq ans. Pourtant, les traits tirés d'Azem, le regard dur et évasif qu'il affiche, la sérénité de ses gestes lui confèrent un tout autre âge. Dans une telle situation le vieillissement s'accélère ; la responsabilité de la défense de son territoire natal est un lourd fardeau qu'il est dur de porter lorsque l'on a tout juste dix-sept ans.

Mais que faire face au spectacle désespérant de toute une population chassée de sa terre natale? La famille réunie à Skopje chez le cousin albanais de Macédoine entoure le jeune soldat revenu pour une permission. Rejoindre Skopje n'a pas été facile pour Azem : il a fallu endurer plus d'une heure de marche pour passer d'Albanie en Macédoine et, une fois la frontière franchie, quelques billets ont été nécessaires pour s'affranchir de trois contrôles de police macédoniens. Le départ pour le Kosovo est maintenant imminent : Azem, dont la formation est finie, fait parti des premiers sur la liste des "mobilisables".

Dans la salle commune, autour du traditionnel verre de thé, la jeune recrue explique à sa famille les détails de sa formation; les femmes le regardent avec respect, les anciens approuvent d'un signe de tête. Toute la communauté l'entoure et l'assaille de questions. La fierté de compter un héros parmi eux ne cache cependant pas l'inquiétude ressentie par cette famille. Il faut qu'Azem traverse la frontière minée pour se rendre au Kosovo où il devra mener de rudes et cruels combats. Autant de dangers qui attendent le jeune Azem…

Photo : François GREMY

* Auteur de l'article : François VILALDACH

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