La coopération militaire Turquie – pays de l’ex-URSS

Depuis quelques années, la Turquie s’efforce de multiplier les coopérations militaires avec les pays ex-soviétiques riverains de la mer Noire, inaugurant un phénomène suffisamment.


A l’initiative de la Turquie, un accord de coopération navale entre les pays membres de la zone de coopération de la mer Noire est entré en vigueur le 1er janvier 2003, aboutissant à la création de la BLACKSEAFOR, Force navale de la mer Noire, composée des flottes de Turquie, d’Ukraine, de Russie, de Bulgarie, de Roumanie et de Géorgie[1].

Initiées à la fin des années 90, ces coopérations tendent à s’intensifier et se diversifier. La Russie, partenaire le plus ancien de la Turquie dans la région, reste aussi le plus important. La coopération dans le domaine de l’armement, débutée en 1980, est en plein essor depuis deux ans. La visite du vice-Premier ministre russe, I. Klebanov, en février 2000, a scellé la création d’une commission de coopération militaire. La Turquie a proposé de participer à la production d’hélicoptères d’attaque Ka-50-2, et la Russie de coopération pour la production de tanks, fusils et missiles. En janvier 2002, le chef de l’Etat-major russe a rencontré son homologue en Turquie et signé avec lui un accord de coopération bilatérale.

L’Ukraine, quant à elle, reste un partenaire privilégié de la Turquie qui s’intéresse à sa production de chars et de blindés. Des échanges de spécialistes dans ce domaine sont réalisés régulièrement.

Mais c’est vers les pays du Caucase bordant la mer Noire que la Turquie marque une véritable avancée. Cette région a pris pour la Turquie une importance stratégique particulière, notamment après la prise de conscience de son succès très relatif en Asie Centrale où elle espérait jouer un rôle régional important. Très limitée jusque-là, la coopération militaire avec l’Azerbaidjan et la Géorgie semble donc prendre un nouvel élan depuis 2000.

Les liens stratégiques et militaires entre la Turquie et l’Azerbaïdjan ont été formellement établis en juillet 1996, lors de la visite officielle en Turquie d’une délégation du ministère azéri de la Défense. Par la suite, un accord de formation des officiers azéris dans les écoles militaires turques et un soutien de l’infrastructure militaire par la Turquie ont été mis en place. La modernisation de trois académies militaires (pour atteindre le niveau requis par l’OTAN) a été lancée et un bataillon de Forces de la paix a été créé avec le soutien financier et technique turc. Le 28 avril 2001, un protocole de coopération dans le secteur logistique a été adopté. Aujourd’hui, la Turquie est toujours activement engagée dans la formation d’officiers et la modernisation du système éducatif militaire.

La coopération avec la Géorgie a débuté en 1995. Avec l’aide du gouvernement turc, un aérodrome militaire a été ouvert à Marneuli, ainsi qu’une Académie militaire turco-géorgienne. Une aide au développement de l’infrastructure d’un centre de formation à Gori et de la Brigade Koda (commando d’élite) a pu être apportée. En mars 1997, la Turquie et la Géorgie ont signé un accord d’assistance militaire et de coopération. Il a permis la construction de centres de formation militaire et prévoit la reconstruction de la base de Vaziani, rendue à la Géorgie par la Russie en juin 2001. Depuis 1998, des officiers géorgiens étudient dans des établissements militaires turcs et quatre générations de commandos ont déjà été formées avec l’aide de la Turquie dans le centre de Kojori. Enfin, des forces géorgiennes ont été envoyées au Kosovo dans le cadre d’un bataillon turc des Forces de la paix.

Dernier arrivant dans le réseau de coopération militaire turc: la Moldavie. L’accord de coopération signé en août 2000 entre le ministre turc de la Défense et le ministre moldave de l’Industrie et du Commerce concerne l’industrie d’armement et stipule la création d’un comité unifié chargé d’établir les priorités en matière de collaboration militaire.

Modeste mais constant, l’engagement de la Turquie à l’égard des pays de l’ex-URSS reste limité par plusieurs facteurs. Le plus important est d’ordre financier: la Turquie ne peut sur le long terme envisager qu’une aide limitée à ces pays. Ensuite, la durée de ces alliances reste conditionnée à la perception qu’en a Moscou. Enfin, un changement de leader et donc de politique pourrait venir contrarier les projets de la Turquie dans la région.

 

* Elisabeth SIECA-KOZLOWSKI est co-auteur de Géopolitique de la mer Noire, éd. Karthala, 2000

 

[1] Mark Smith, Russia & Turkey, The Conflict Studies Research Centre, September 2002 (www.csrc.ac.uk/).