Le premier janvier 2007, la Macédoine comptera parmi ses voisins un second état membre de l’Union Européenne (UE). Tout le monde salue l’adhésion de la Bulgarie à l’UE. Mais les citoyens et les hommes politiques s’interrogent sur les effets politiques et économiques que cet événement produira sur la Macédoine.
A Skopje, les citoyens macédoniens sont réalistes quant aux effets de l’adhésion bulgare. Je ne crois pas que la situation en Macédoine en sera améliorée. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi cela se produirait. Si cela était possible, les relations [entre les deux pays] se seraient déjà améliorées, déclare Vaska Nikolovska, de Skopje. Elle s’attend à ce que la circulation des personnes entre les deux pays diminue à cause de l’introduction des visas pour les ressortissants macédoniens qui voyageront en Bulgarie.
La Macédoine et la Bulgarie n’avaient jusqu’ici pas de régime de visas l’une envers l’autre. Mais dès le premier janvier, la Bulgarie devra exiger des visas pour les ressortissants de la République de Macédoine. Antonio Milososki et Ivaïlo Kalfine, respectivement Ministres macédonien et bulgare des Affaires étrangères, ont établi que les visas seraient gratuits pour les citoyens macédoniens. Mais pour Vaska Nikolovska, un visa, même gratuit, aura une influence sur l’envie des Macédoniens de voyager en Bulgarie. Les visas vont rendre plus difficile la circulation des personnes. La seule pensée du fait qu’il y a une limitation agira psychologiquement sur la population macédonienne, affirme-t-elle.
Espoirs pour l’est macédonien
Dimitar Mircev, le président du Mouvement Européen en Macédoine partage ce point de vue. J’espère que l’adhésion de la Bulgarie à l’UE ne se traduira pas par un rétrécissement du ‘cordon sanitaire’ autour de la Macédoine, c’est-à-dire par une diminution des échanges commerciaux ou de la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens entre les deux pays. Nous avons connu des expériences négatives lors de l’adhésion de la Slovénie et d’autres pays de l’Europe centrale en 2004, explique-t-il. Mais, comme la plupart des hommes politiques macédoniens, Dimitar Mircev salue l’entrée de la Bulgarie dans l’Union. Il estime que cet événement pourra être positif pour la Macédoine sur le plan économique.
Sur ce plan, les hommes politiques se montrent plus optimistes que les citoyens. Voilà enfin une bonne nouvelle ! L’adhésion de la Bulgarie à l’UE va véritablement ouvrir des portes sur le plan économique, déclare la députée Valentina Bozinovska (VMRO-NP). Pour elle, l’adhésion de la Bulgarie à l’UE, pourrait se refléter positivement sur la conjoncture économique en Macédoine. En ce moment, il y a en Bulgarie plus de 35 banques étrangères, qui ne contourneront pas la Macédoine, souligne-t-elle.
Elle s’attend à ce que l’adhésion bulgare soit positive non seulement pour le secteur bancaire, mais aussi pour le développement de l’est de la Macédoine, région frontalière de la Bulgarie. Dans la région bulgare des Rhodopes, il y a beaucoup d’usines laitières répondant aux normes européennes et mondiales. Elles n’ont pas de problèmes sur le plan de qualité mais bien sur leurs capacités, explique Valentina Bozinovska. Certaines de ces usines pourraient être délocalisées dans des villes de l’est de la Macédoine.
Vanco Uzunov, professeur d’économie à la Faculté de droit de l’Université Saints-Cyrille-et-Méthode (Skopje), pense qu’il existe une possibilité que la Bulgarie devienne un partenaire économique plus étroitement lié à la Macédoine. Les bénéfices potentiels de la Macédoine dépendent des capacités de la partie Est de la Macédoine. Mais cette région manque de main d’œuvre qualifiée, ce qui va se refléter sur son développement économique, poursuit-il.
Jani Makraduli député social-démocrate (SDSM), s’attend à une intensification de la coopération entre les deux pays après l’adhésion de la Bulgarie à l’Union. Il espère également dépasser tous les points d’achoppement qui ont jusqu’ici compliqué les relations entre les deux pays.
Le professeur Mircev, du Mouvement Européen en Macédoine se montre aussi favorable à la résolution de ces problèmes. Nous en sommes au moment où la Macédoine doit poser sérieusement la question de la minorité macédonienne en Bulgarie, surtout au moyen du dialogue politique et institutionnel qu’elle a avec l’UE, mais aussi au moyen de négociations interétatiques avec la Bulgarie, déclare-t-il.
Double nationalité
La tendance croissante des demandes de passeports bulgares de la part des ressortissants macédoniens rend d’autant plus inquiétantes les relations difficiles entre les deux pays. Récemment, le Ministère bulgare de la Justice a déclaré que 20 000 Macédoniens avaient déposé une demande de double nationalité.
Un chauffeur de taxi de Skopje, désirant conserver l’anonymat, explique être l’un de ces citoyens ayant demandé un passeport bulgare. Pourquoi ? La réponse fuse : Pour devenir ressortissant européen.
Une position que tout le monde ne partage pas. Gorazd Popovski, jeune avocat d’Ohrid voit les choses autrement : Non, je ne veux pas d’un passeport bulgare. Que cela me plaise ou non, je pense que, dans un proche avenir, le nombre de demandes pour un passeport bulgare va augmenter, suite à l’adhésion de la Bulgarie à l’UE. Et pour renverser ce phénomène, le pays doit prendre des mesures concrètes et obtenir un changement du régime de visas imposé à nos citoyens.
Une partie des hommes politiques de Macédoine considèrent que la tendance à demander un passeport bulgare est motivée par des raisons plus économiques que politiques. L’adhésion de la Bulgarie à l’UE augmentera peut-être, hélas, le désir de certains citoyens de déposer leur demande pour un passeport bulgare. Mais, notre mission est de travailler sur la facilitation du régime de visas pour les ressortissants macédoniens, estime Jani Makraduli.
Même si beaucoup de questions restent ouvertes, tout le monde est unanime sur le fait que la Macédoine doit utiliser à bon escient le succès de la Bulgarie pour son propre cheminement vers l’UE. En observant l’exemple de la Bulgarie, ou celui de la Roumanie, il nous est possible d’analyser leurs réussites et leurs bénéfices, ainsi que les handicaps, les difficultés que ces deux Etat ont rencontré jusqu’ici dans le processus d’intégration. L’exemple bulgare est important [pour la Macédoine]. C’est un bon guide pour atteindre des objectifs comme un haut taux de croissance économique, des investissements étrangers, un développement des ressources humaines et des ressources légales sur la voie vers l’Europe, constate avec optimisme Dimitar Mircev.
Traduit par Viktor Zakar
* Aleksandra DUKOVSKA est journaliste pour l’émission hebdomadaire «Eurozoom», diffusée sur la chaîne macédonienne Sitel et sur la chaîne albanaise Al-Sat.
Cet article a été publié par Le Courrier des Balkans (http://balkans.courriers.info).
