L’adhésion turque vue par Catherine Lalumière

Alors que l’actualité se focalise autour du débat sur l’adhésion turque à l’Union européenne, Catherine Lalumière, vice-Présidente du Parlement européen, revient sur l’enjeu politique d’un élargissement à la Turquie.


Catherine LalumièreA chaque élargissement, l’UE acquiert une nouvelle dimension politique. Que peut apporter la Turquie en la matière ?

L’adhésion de la Turquie à l’UE pourrait augmenter considérablement la dimension politique de l’UE sur la scène mondiale et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’un grand pays avec 70 millions d’habitants et un poids économique que l’on connaît. Mais la Turquie est aussi un pays charnière, ayant un pied vers le Nord mais aussi vers le Sud. C’est également un pays musulman, une passerelle entre l’Europe telle que nous l’avons pratiquée ces dernières années et l’ensemble des pays musulmans du Sud.

Le rôle de passerelle joué par la Turquie peut servir l’UE. Non seulement sur le plan culturel et religieux, mais surtout au niveau politique. Nous avons aujourd’hui des pays du Sud, du monde arabo-musulman avec lesquels nous avons absolument besoin d’améliorer nos relations.

Nous sommes proches de ces pays. Nous avons sur notre sol des habitants originaires de cette région du monde - je pense tout particulièrement au Machrek et au Maghreb. Plus que tout autre, nous devons redouter le schéma de Samuel Huntington, celui d’une guerre des civilisations. Cet affrontement serait épouvantablement dangereux.

Certains politiques français estiment que laisser la Turquie en dehors de l’UE reviendrait à risquer de voir émerger aux portes de l’UE un nouvel Irak, ou un nouvel Afghanistan plongé dans un nationalisme exacerbé. Que pensez-vous d’un discours favorable à une adhésion par défaut et par prévention ?

En répondant, à la question précédente, j’ai donné des réponses très positives, et non par défaut. Il est vrai que si nous fermons la porte à la Turquie, nous risquons aussi de favoriser le développement en Turquie d’un islam intégriste anti-européen. Mais il ne s’agit pas là d’un argument honteux.

Nous connaissons la proximité culturelle historique franco-arménienne. Quelles en sont les conséquences sur le débat sur l’adhésion turque ?

Je suis perplexe en ce qui concerne l’influence de l’Arménie et de la communauté arménienne. J’observe qu’en France, certains représentants de la communauté d’origine arménienne sont opposés à l’entrée de la Turquie dans l’UE. Mais, les Arméniens d’Arménie souvent expriment des positions favorables à l’entrée de la Turquie dans l’UE, leur espoir étant l’évolution plus forte vers la démocratie et le respect des droits de l’homme en Turquie.
Il y a les réactions de la diaspora et celles des personnes qui sont encore sur le terrain, en Arménie ; et ces réactions ne sont pas toujours identiques.

Il faut également noter que les positions ne sont pas figées et évoluent. Prenons l’exemple de la Grèce qui a freiné pendant des années l’entrée de la Turquie dans l’UE. Aujourd’hui, le Premier ministre M. Karamanlis est en faveur de cette adhésion. J’ai eu des entretiens avec l’ancien Premier ministre socialiste, M. Simitis, qui avait lui-même contribué au changement des mentalités et des positions grecques sur ce dossier.

La Grèce et l’Arménie sont des pays où les dirigeants ont pris conscience que leur avenir serait sans doute meilleur si la Turquie entrait dans l’UE, parce que cela impliquerait une consolidation des valeurs démocratiques et de paix.

Photo : Catherine Lalumière par Bennismhd — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=30774344 Retour en haut de page