Novi-Pazar, Sandjak, ultime zone de tensions en ex-Yougoslavie

Le Sandjak est rarement apparu dans l'actualité ces dix dernières années. Contrairement aux contrées qui l'entourent - Kosovo, Bosnie, Monténégro - l'ancienne province ottomane devenue serbe en 1920 n'a pas connu la guerre.


Faculté d'études islamique à Novi PazarElle mériterait pourtant que l'on s'y intéresse. Car le Sandjak et sa capitale Novi Pazar, peuplée à 80 % de Slaves musulmans présentent tous les ingrédients qui ont poussé la Yougoslavie dans l'engrenage des conflits ethniques. A la fois zone à haut risque et dernier creuset du cosmopolitisme, le Sandjak est peut-être la dernière terre réellement balkanique !

PORTRAIT N°1 : SANJIN

Ottomano-socialisme. « Il ne faut pas se fier à ce qu'on raconte, nous dit Sanjin. Les politiciens parlent pour leurs intérêts. Aujourd'hui, la meilleure chose à faire, c'est de traverser la ville à pied, de s'y promener pour comprendre l'ineptie des discours communautaristes et nationalistes. La rue parle mieux que quiconque ! » Sanjin est un musulman d'une quarantaine d'années. Après avoir travaillé quelques années dans les usines de construction automobile de Kragujevac, un peu plus au nord en Serbie, il a tenu à revenir à Novi Pazar. Pas uniquement parce c'est sa ville natale, mais parce qu'il s'y dégage une atmosphère chaleureuse et bigarrée : ici, les quartiers sont mixtes, les enfants des deux communautés vont à l'école ensemble, la bière est la même pour tout le monde.

Sanjin conseille de commencer par la grande place centrale, face à la mairie, car on y trouve tout autour de grands immeubles de style « ottomano-socialiste » alliant lignes dures et arabesques, esthétique socialiste et coupoles de béton : ces immeubles datent des années 70, lorsque le pouvoir yougoslave jouait volontairement la carte du syncrétisme architectural pour souligner la mixité culturelle de la ville. Tout un symbole. Pas d'urbanisme ethnique ici, semble dire Novi Pazar. « Esthétiquement, je préfère la vieille ville ottomane, précise Sanjin, mais ces immeubles sont importants … c'est de la pédagogie en plein air, aux yeux de tout le monde. » Sanjin marque un temps. D'un simple demi-tour, on se retrouve face à l'imposant bâtiment de la mairie qui incarne pour lui le lieu de tous les discours démagogiques et de toutes les formulations incertaines : « Depuis 10 ans, la municipalité s'efforce de diviser la ville … qu'il s'agisse des Serbes nationalistes avant 2000 ou des leaders musulmans du SDA aujourd'hui. »

Œcuménisme. Comme beaucoup de gens ici, Sanjin est nostalgique de la Yougoslavie cosmopolite, dont Novi Pazar aurait pu être la meilleure vitrine. Avec son horizon urbain hérissé de minarets et de clochers, la capitale du Sandjak s'est toujours singularisée par sa pluriconfessionnalité. Une tolérance renforcée selon Sanjin par le caractère laïc de l'islam local : « chez moi, on a toujours célébré les fêtes des deux religions ; et on connaissait parfois aussi bien les rituels orthodoxes que les obligations musulmanes ». Sanjin ne se rend que très rarement à la mosquée. L'islam est pour lui une affaire personnelle, ce qui le rend rétif aux discours importés. Dans ce contexte, le prosélytisme islamique est pour lui une réponse incompréhensible et inappropriée au nationalisme orthodoxe serbe. Sanjin se dit d'ailleurs choqué - dans sa conscience 'yougoslave' - par les actions de ré-islamisation menées par la Madrasa, l'école coranique du centre ville financée par les régimes wahhabites du Moyen-Orient.

Café italien. Sanjin nous invite à boire un café dans la vieille ville. « je vous préviens, je ne prends pas de café turc : je déteste ça », précise-t-il ironiquement … « ça ne m'empêche pourtant pas d'être musulman, non ? ». Le piège, à ses yeux, consiste précisément à définir une identité boshniak en opposition à la culture serbe. « Nos politiciens tâtonnent depuis 10 ans pour réinventer une place aux Boshniak au sein de la Serbie … voire même en dehors de la Serbie depuis que Sulejman Ugljanin, le charismatique leader des nationalistes boshniak, a ravivé le mythe d'un retour à un Sandjak autonome sur la base des frontières ottomanes ». Sanjin reste calme, comme d'habitude, mais il semble profondément affligé : « la Yougoslavie n'est-elle pas déjà suffisamment morcelée ? Comment ne pas suspecter les politiques d'instrumentaliser l'islam à des fins personnelles … surtout quand je ne sais même pas distinguer dans la rue un Serbe d'un Boshniak … d'ailleurs nous sommes tous slaves … avec les mêmes visages, les mêmes couleurs de cheveux, la même langue serbo-croate. »

SDA / SDP. Sanjin précise néanmoins que les leaders musulmans ne revendiquent pas tous l'autonomie d'un Sandjak musulman. « Le problème, c'est que les plus radicaux, ceux du SDA de Sulejman Ugljanin, sont présents à Novi Pazar, et que les modérés du SDP de Rasim Ljajic, ceux-là même qui tiennent à jouer le jeu des règles institutionnelles au sein d'une Serbie cosmopolite, sont à Belgrade. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que les deux mouvances ne dialoguent pas beaucoup ! » Rasim Ljajic, désormais ministre à Belgrade, est accusé d'abandonner le Sandjak et de trahir les Boshniak. La lutte est âpre entre le SDA et le SDP, les murs de la ville sont couverts des sigles des deux principaux partis et Sanjin s'amuse à nous montrer que ce sont souvent les « A » qui couvrent les « P ».

Conflit entre deux manières d'appréhender l'identité boshniak, deux manières de considérer l'islam, deux attitudes politiques vis-à-vis de ce qui reste de la Yougoslavie. Sanjin ne cache pas sa préférence pour Rasim Ljajic qui prône une politique laïque de reconnaissance culturelle de la communauté boshniak et cherche à obtenir un statut similaire à celui acquis par les Hongrois de Vojvodine au nord de la Serbie : disposer d'un parlement propre au Sandjak qui pourrait rééquilibrer une législation jugée discriminatoire à l'égard des musulmans.

Mais au-delà de ces duels politiciens, Sanjin aime à considérer les choses dans leur apparente simplicité : pour lui, les Boshniak sont des Serbes, et les Serbes sont des Yougoslaves ! Il finit lentement son café, en caressant son espoir le plus cher : que l'avenir de la région passe par un retour aux valeurs fédéralistes et cosmopolites de la Yougoslavie.

PORTRAIT N°2 : MIRSAD

CCCC.Mirsad nous offre le café dans la cour intérieure de la Madrasa, l'école coranique récemment inaugurée dans la vieille ville de Novi Pazar. Mirsad a un peu moins de trente ans. Marié, deux enfants, il est professeur d'informatique à la Madrasa. Comme tous les membres de l'école coranique, il porte la barbe. Etant l'un des seuls à parler parfaitement l'anglais, c'est Mirsad qui accueille les étrangers à leur entrée dans la madrasa. L'accueil fut gentiment narquois : « chers amis, vous êtes musulmans ? ».

Mirsad refuse d'aborder la situation du Sandjak aujourd'hui sans reconsidérer l'ensemble des dix dernières années : le nationalisme serbe de Milosevic, les atrocités de Bosnie, la récidive kosovar… L'islam est pour lui une évidence face à la débauche serbe orthodoxe, face à l'arrogance des administrateurs serbes de Novi Pazar entre 1996 et 2000 dont il ne retient qu'alcoolisme, corruption, prostitution et violence … sans parler des tanks de l'armée fédérale qui auraient pris position autour de la ville lors des événements du Kosovo. Il dresse rapidement la liste des frustrations et humiliations subies par les Boshniak. Parmi les souvenirs les plus saillants, son service militaire dans l'armée fédérale à Belgrade en 1995, aux derniers mois de la guerre de Bosnie. Il raconte qu'il devait tous les matins saluer l'emblème nationaliste serbe des « 4 C » :

CCCC = « Seule l'unité sauvera les Serbes »

Les 4 C, véritable cri de ralliement des soldats serbes, sonnent encore douloureusement pour Mirsad et ses amis. C'est en se référant à cette devise que les troupes para-militaires serbes massacrèrent leurs coreligionnaires dans les enclaves de Gorazde et de Srebrenica, en Bosnie Orientale. Pour eux, ces quatre lettres signifient encore massacres, viols, déplacements et charniers.

Œil pour Œil ? Depuis cette sombre époque, la situation s'est quelque peu améliorée pour les populations minoritaires s'opposant aux desseins grand-serbes de Milosevic. La victoire du SDA à la municipalité de Novi Pazar en 2000 n'est certes qu'une petite victoire à l'échelle de la Serbie, mais elle a enfin permis de défendre les droits de la communauté boshniak. Mirsad rappelle notamment que l'accès aux postes administratifs a été rééquilibré en fonction du poids respectif des deux communautés, les 20 % de Serbes occupant auparavant la quasi totalité des postes de fonctionnaires(1) : administrateurs locaux, enseignants, policiers.

Cette perte de privilèges explique à ses yeux le départ de plusieurs familles serbes du Sandjak, phénomène qui a été largement relayé par la presse nationale et qui a poussé les Serbes à y voir une analogie avec leur départ du Kosovo(2). Des extrapolations qui ont le don d'énerver Misard. S'il concède que des musulmans vont parfois trop loin, c'est pour tenter, dit-il, de rééquilibrer une situation qui n'a jamais été à leur avantage. « Notre souhait, c'est une reconnaissance politique, culturelle, et religieuse de la communauté boshniak de Serbie. Nous ne souhaitons pas l'indépendance du Sandjak, comme l'affirment nos détracteurs. Nous exigeons juste d'être respectés ». Respectés en tant que communauté religieuse, mais également en tant que communauté linguistique. Comme nombre de militants de la cause sandjakoise, Mirsad aime évoquer l'existence d'une langue boshniak, constituée de mots spécifiques d'influence turque ou d'expression musulmane : une sorte de variante boshniak du serbo-croate qui permettrait aux musulmans de parler entre eux sans que les Serbes puissent comprendre le sens de la phrase.

Les Serbes n'ont de cesse de railler ce trompe-l'œil linguistique qui n'est, selon eux, qu'un particularisme régional, sorte de dialecte du Sandjak partagé par l'ensemble des habitants quelle que soit leur confession. En tout état de cause, Mirsad reste très évasif lorsqu'il s'agit de citer des exemples concrets à l'appui de sa démonstration, préférant couper court à nos questions en opposant de fausses évidences(3).

Internationalisme. Mais peu importe notre scepticisme… Mirsad offre à nouveau sa tournée de café. Il en boit beaucoup, reconnaît-il, notamment parce qu'il travaille tard dans la nuit sur Internet pour nouer des contacts avec d'autres étudiants musulmans, dans d'autres centres culturels sunnites. « Nous sommes solidaires de la misère des autres peuples musulmans minoritaires, notamment dans les anciens pays communistes … c'est important de partager les expériences, de comparer les situations ». L'entraide, c'est peut-être la valeur cardinale pour Mirsad. Et ce, autant à l'échelle de la vieille ville de Novi Pazar qu'au niveau international. De son propre aveu, Mirsad reconnaît que les discussions sur l'identité du Sandjak lui paraissent en bonne partie relever de la politique politicienne.

Car au fond de lui-même, Mirsad se sent partie intégrante de la communauté musulmane au sens large : l'Oumma. Reste que le pragmatisme s'impose. « Nous sommes isolés en Serbie, nous avons besoin de soutiens extérieurs … Il faut également savoir jouer de notre identité sandjakoise, ne serait-ce que pour appuyer notre position face à Belgrade ».

PORTRAIT N°3 : BOJAN

Tabou. Bojan aime boire ses dernières bières à la terrasse du seul bar explicitement serbe du centre-ville : le Taboo. Bojan est un jeune Serbe issu d'une famille d'artistes de Novi Pazar. Il travaille actuellement comme traducteur anglais auprès des militaires internationaux de la KFOR, un univers « pathétique » qu'il ne peut s'empêcher de railler, car Bojan est un adepte du franc-parler, de l'ironie et … des fêtes nocturnes bien arrosées. « Il était impensable d'imaginer un bar SERBE il y a deux ans seulement, dit-il. On doit aujourd'hui s'habituer à qualifier les choses de 'boshniak' ou de 'serbe' ! En 1998, j'avais une copine musulmane, mais ce ne serait plus possible aujourd'hui, sa famille veillerait sur elle et exigerait qu'elle rentre à 22h00… D'ailleurs, ce n'est qu'aujourd'hui qu'il me semble significatif qu'elle ait pu être musulmane ».

En réalité, il n'y a rien d'exclusivement serbe ou boshniak ici, estime Bojan. Même la moitié des mosquées, qui datent du XVIIème siècle, sont construites sur les fondations d'anciennes églises orthodoxes : on peut aisément le constater par l'orientation des bâtiments, certains tournés vers la Mecque, les autres vers Constantinople.

Retour de l'ordre moral. Peu lui importe que chacun souhaite affirmer son identité, pour autant qu'on ne vienne pas lui faire la morale : c'est précisément cet aspect qui inquiète Bojan aujourd'hui, surtout lorsque prostitution, alcoolisme et drogue sont systématiquement présentés comme des tares serbes. Ainsi, selon les autorités musulmanes, les lancers de pierres contre les kiosques à journaux affichant ostensiblement des photos pornographiques seraient le fait de personnes agissant « par respect pour leur conscience ». « Pourtant, affirme Bojan, ce n'est un secret pour personne que le seul bar streap-tease de la ville est tenu par un musulman proche de la municipalité. Et ça n'est non plus un secret pour personne que la drogue à Novi Pazar n'est ni serbe ni boshniak, que c'est juste la triste conséquence de la proximité du Kosovo, de l'Albanie, du Monténégro et de la Bosnie ».

Mais au delà de ces petites querelles sans importance, Bojan s'inquiète qu'une communauté solidaire se forme peu à peu autour des associations islamiques à Novi Pazar. Celles-ci étendent leur pouvoir par la mise en place progressive de dispositifs de soutien social auprès des familles en difficulté. Si ces dispositifs ont d'une certaine manière pallié la défaillance de l'état socialiste depuis une dizaine d'années, Bojan estime qu'il s'agit surtout d'une forme habile de prosélytisme qui, sous couvert d'assistance, rémunèreraient par exemple les femmes musulmanes en échange du port du voile : « 200 euros par mois, affirme-t-il, alors qu'un professeur gagne en moyenne 150 euros ».

Injustice. 23h30. Dernière tournée avant la fermeture du bar. Bojan reste rêveur un instant. Il rassemble ses idées pour résumer le mieux possible l'angoisse des Serbes : « la situation aujourd'hui ressemble étrangement à ce qui s'est passé au Kosovo, et c'est précisément cet avant-goût qui rend tout le monde nerveux ici ». N'est-ce pas là-bas qu'a eu lieu le nettoyage ethnique des populations serbes en présence des troupes de l'OTAN ? Il y a trois ans, des centaines de Serbes ont été tués par les troupes de l'UCK et, depuis deux ans, il n'y aurait quasiment plus de Serbes au Kosovo. Mais c'est surtout la destruction du patrimoine orthodoxe qui met Bojan en colère : « il ne reste souvent que des ruines et des carcasses informes. Certains monuments vieux de 10 siècles étaient classés, certaines peintures murales constituaient des chefs d'œuvre de notre art. Tout ça s'est passé depuis 3 ans, depuis que les soldats de la KFOR administrent le Kosovo », dit-il avec une indignation qui traduit un sentiment farouche d'injustice … le sentiment que finalement les Serbes ont été le seul peuple réellement perdant du démembrement de la Yougoslavie, le sentiment de s'être fait piégé par les événements historiques des 10 dernières années, l'impression surtout que le piège continue de se fermer sur eux. Et la colère de savoir que les choses sont désormais irréversibles.

Prohibition. Il est minuit, le bar ferme. La faute au « couvre-feu », ce décret municipal qui impose la fermeture des bars-restaurants et l'interdiction de la vente d'alcool après minuit. Bojan nous propose de terminer la nuit dans un des lieux de résistance serbe, un de ces lieux qui transgressent l'interdit de la municipalité musulmane : le bar-restaurant de « Momo-le-boucher » … le seul endroit de la ville où on peut acheter à toute heure du cochon grillé ! A peine sommes-nous arrivés que ledit Momo ouvre des bouteilles de bière. Il nous montre son immense four où peuvent cuire 3 cochons simultanément.

C'est presque avec fierté qu'il affirme recevoir régulièrement des menaces de mort à cause de ce commerce. Tous les autres commerçants serbes ont en effet renoncé au porc pour conserver leur clientèle musulmane. Mais Momo ne cèdera pas : il a des appuis chez les politiciens serbes ultra-nationalistes. Enchaînant les bières cul-sec, il prend tout le monde dans ses bras solides et appelle pour l'occasion une call-girl. Le couvre-feu musulman est défié jusque dans les détails: gras de porc grillé, cadavres de bouteilles de bières, fille en culotte… Il y a ici une ambiance de prohibition et d'illicite transgressé.

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10 ans d'histoire politique au Sandjak

1991, début du SDA sandjakois
Face au nationalisme Serbe, les Boshniak du Sandjak soutiennent la Communauté Islamique Bosniaque de Sarajevo et le SDA d'Alija Itzetbegovic. En mai 1991, le SDA créé un Conseil National Musulman du Sandjak qui organise le 25 octobre 1991 un plébiscite sur l'autonomie politique et territoriale du Sandjak, s'octroyant le droit de séparation avec la Serbie et le Monténégro pour rejoindre une des Républiques souveraines : sous-entendu la Bosnie Herzégovine.

1993, conception territoriale du Sandjak
En juin 1993, le leader musulman Ugljanin rédige le Mémorandum sur la mise en œuvre d'un statut spécial pour le Sandjak. Plusieurs parlementaires musulmans dénoncent la dérive nationaliste du Sandjak. Le SDA traverse une crise sans précédent, se traduisant par des divergences de plus en plus affirmées entre ses deux leader : Ugljanin (président) et Ljajic (secrétaire général). Les autorités Serbes répondent au Mémorandum par une vague de répression. Ugljanin se réfugie à Istanbul. Ljajic prend la tête des Boshniak de Novi Pazar et se sépare définitivement, en 1994, du SDA bosniaque de Sarajevo.

1996, mise sous contrôle serbe
Ugljanin rentre à Novi Pazar en 1996 et remporte, aux élections législatives et municipales de novembre 96, une nette victoire sur la faction de Ljajic. Il entreprend alors de réactiver le Mémorandum. Les Serbes y trouvent prétexte pour suspendre le conseil municipal de Novi Pazar en juillet 97 et nommer à sa place une administration municipale provisoire gérée par Belgrade.

1996 - 2000, le Monténégro fossoyeur du concept de Sandjak

L'arrivée de l'opposition démocratique serbe (DOS et SPS) et les tentations d'indépendance monténégrine modifient radicalement la problématique sandjakoise (cinq des onze municipalités du Sandjak se trouvent sur le sol monténégrin). La candidature du monténégrin Milo Djukanovic sert d'accélérateur à la scission du SDA monténégrin et du SDA sandjakois de Novi Pazar : la majorité des membres du SDA monténégrin souhaite en effet jouer le jeu institutionnel légal et refuse la politique d'abstention de Harun Hadzic, proche de Ugljanin.

2000 - 2003, SDA contre SDP
A Novi Pazar, Ljajic rebaptise son parti SDP en octobre 2000 et s'allie au parti régionaliste hongrois de Vojvodine. Il devient ministre fédéral pour les Groupes nationaux et ethniques. De son côté, le SDA de S. Ugljanin conserve les mairies de Novi Pazar, Tutin et Sjenica. Ugljanin continue de réclamer un retour aux frontières de 1912 en cas d'éclatement de la RFY.

 

Vignette : Faculté d'études islamiques de Novi Pazar (Par Jovanvb — Travail personnel, CC BY 2.5, lien)

Par Antoine CHAUDAGNE

(1). Beaucoup de fonctionnaires serbes ont été licenciés à l'arrivée du SDA, dont Dusan Raicevic, chef du centre culturel de la ville, Raco Vuckovic, directeur de la société de chauffage Toplane, Mile Vetic, directeur d'Elektoras, ou encore Miroljub Djokanovic, directeur de la société Vojin Popovic.
(2). Sur ce sujet précis, Rasim Ljajic et Kasim Zoranic (chef de l'organisation libérale boshniak) estiment que la principale motivation du départ des familles serbes est en réalité économique, le prix de l'immobilier à Novi Pazar étant deux fois plus élevé qu'ailleurs en Serbie (750 euros le mètre carré contre 400 à Kragujevac).
(3). Selon les linguistes, il existerait bien tout au plus une dizaine de mots ou néologismes boshniak, créés artificiellement à l'instar de ce qu'ont fait les Croates avec leur langue.

 

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