République serbe de Bosnie : Milorad Dodik engage un bras de fer avec Sarajevo, Washington et Bruxelles

Par Stéphan Altasserre (sources : Slobodna Bosna, Vecernje Novosti, Strategic Culture)

La Bosnie-Herzégovine est un État souverain qui se compose de trois entités, dont la République serbe (Republika Srpska/RS) de Bosnie. Celle-ci n’a de république que le nom et il s’agit en fait d’une simple collectivité territoriale.

Ayant fondé une grande partie de sa carrière sur les velléités nationalistes de la société civile en RS, Milorad Dodik, son Président, a organisé le 25 septembre 2016 un référendum portant sur l’institutionnalisation d’une fête nationale de la RS, célébrant la création d’une entité ethnique serbe. La quasi-totalité des votants ont soutenu le projet et le vote a été reconnu par la Russie. Saisie par un des membres de la présidence bosnienne, la Cour constitutionnelle de Bosnie a toutefois précisé le 26 novembre 2016 que l’instauration d’une telle journée était discriminatoire et donc inconstitutionnelle.

Milorad Dodik n’a pas tenu compte de la décision de la juridiction suprême. Il a organisé à Banja Luka, capitale de l’entité serbe, la célébration de la «fête nationale» de la RS, le 9 janvier 2017, avec un défilé réunissant policiers, pompiers et anciens combattants. Le même jour, au cours d’une nouvelle provocation, le tribun bosno-serbe a indiqué que la RS pourrait faire sécession si la Bosnie entrait dans l’Otan, et créer sa propre armée. Le dirigeant, qui remet régulièrement en cause les accords de Dayton (1995) signés avec la bénédiction des États-Unis, a évoqué un projet de référendum d’autodétermination de l’entité bosno-serbe au cours de l’année 2018.

Cette déclaration n’a pas été du goût des autorités américaines. Aussi, l’administration Obama a décidé de sanctionner le président de RS en gelant ses biens personnels aux États-Unis. Le directeur général du Bureau de contrôle des avoirs étrangers (OFAC) en charge du dossier, John E.Smith, a en effet estimé que de tels propos représentaient un «risque significatif pour la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine».

À la suite des déclarations de M.Dodik, les ambassadeurs de l’Union européenne en résidence en Bosnie-Herzégovine se sont réunis, début février 2017, à Sarajevo. Ils ont décidé ensemble de maintenir désormais le dirigeant bosno-serbe dans un complet isolement en s’interdisant d’avoir tout contact avec lui. Il ne s’agit pas d’une position officielle des États membres, mais seulement d’une décision commune entre diplomates pour ne pas légitimer la politique menée par Milorad Dodik. Cette mise à l’écart de la part des représentations occidentales ne fait d’ailleurs pas l’unanimité en Europe: cette posture serait en effet susceptible d’inciter le président de la RS à se rapprocher encore davantage d’une Russie déjà très influente sur ce territoire.