Russie : Kaliningrad, un héritage inconfortable ?

Pour le journal allemand Tageszeitung, l’oblast de Kaliningrad, trophée de guerre de l’Union soviétique qui put en 1945 s’enorgueillir d’avoir mis la main sur l’ancienne province de Prusse orientale, s’avèrerait aujourd’hui un héritage gênant pour la Russie.

Le correspondant du journal, qui s’est rendu récemment dans l’enclave, écrit que la vision du monde des Kaliningradois révèle une incertitude quant à leur propre espace de vie. Pour lui, le patriotisme dont font montre les habitants de l’enclave s’explique par la rhétorique nationaliste et anti-occidentale du Kremlin plus que par un sentiment ancré d’appartenance et d’identité locale.

Centré sur les tendances séparatistes qui seraient à l’œuvre à Kaliningrad, le journaliste y a rencontré des activistes, dont Anna Alimpieva, limogée de l’université fédérale de la Baltique, et Angelika Chpiliova, ancienne directrice du musée municipal de Sovetsk, elle aussi remerciée en raison de ses positions politiques.

Klaus-Helge Donath en tire des conclusions sans appel : selon lui, Kaliningrad est un héritage gênant pour Moscou, ce que révèle l’incapacité des autorités à s’y investir et en tirer profit. Cet « abandon » du Centre, dénoncé à multiples reprises depuis plus de 25 ans, se traduit par la difficulté des habitants de l’enclave à se situer : ils disent venir « de » Russie ou aller « en » Russie, mettant de fait à distance l’appartenance de Kaliningrad à la Fédération. Ce sentiment d’entre-deux a été théorisé par Ivan Tchetchet, professeur à l’université de Saint-Pétersbourg : celui-ci évoque un « espace inter-territorial » pour l’enclave, qui ne se reconnaît appartenir ni tout à fait à la Russie ni complètement à l’Europe.

Quant à ceux qui ont évoqué leur fibre nationale auprès du journaliste, ils ont échoué à le convaincre : pour K.- H. Donath, ce patriotisme de façade est mû par la prudence dans un contexte où le discours du Kremlin laisse peu de place à l’ouverture sur le monde. L’Europe n’apparaît plus comme la terre promise et la génération nouvelle se sent plus isolée sans doute que celle de ses prédécesseurs.

Sources : Tageszeitung, EurAsia Daily, Inosmi.ru.