Russie : V. Poutine versus A.Koudrine, le privilège du cœur contre celui de la tête ?

Par Céline Bayou (source : live.russia.tv)

Ligne directe, la séance de questions-réponses retransmise à la télévision à laquelle se livre chaque année le Président russe a été en grande partie consacrée à la situation économique du pays, le 16 avril 2015. Outre les échanges portant, notamment, sur l’Ukraine, sur l’assassinat de Boris Nemtsov, sur la vente annulée des Mistral ou sur les célébrations à venir du 9 mai… les questions ont fusé à propos de l’inflation, des soubresauts du rouble, du chômage, des entreprises et de l’effet des sanctions et contre-sanctions. À ce propos, le chef de l’État a jugé peu probable une levée prochaine des sanctions occidentales contre la Russie.

Parmi les invités triés sur le volet présents dans le studio, on a pu entendre l’ancien ministre des Finances et ex-vice Premier ministre Alexeï Koudrine, qui a eu un échange quelque peu tendu avec le Président. En début d’émission, A.Koudrine a pris la parole et rappelé que, si le prix du baril de pétrole était de 30 dollars durant le premier mandat de V.Poutine et la croissance de l’économie de 7%, actuellement, alors que le prix du baril est de 60 dollars, la croissance n’est plus que de 1,5%, c’est-à-dire inférieure à la croissance mondiale. Et l’ex-ministre d’en conclure à l’accroissement inévitable du retard technologique de la Russie: «Nous affirmons que tout va s’arranger mais les chiffres disent le contraire. L’ancien modèle de développement s’est épuisé, a-t-il affirmé, avant de demander au Président ce qu’il avait l’intention de faire pour mettre en œuvre un modèle nouveau.

Question à laquelle V.Poutine a commencé de répondre en rappelant à son interlocuteur que, lorsque celui-ci était membre du gouvernement, c’est bien lui qui avait élaboré le Programme 2020, actuellement à l’œuvre. Partant, si quelque chose ne fonctionne pas, il en porte également la responsabilité. Piqué au vif, A.Koudrine a rétorqué que sa Stratégie n’était en réalité que partiellement appliquée, à 20 ou 30% seulement. «La Stratégie n’a pas été retirée, elle reste une orientation», a corrigé V.Poutine.

Le chef de l’État a déclaré que la décision avait été prise de geler pour 2015 l’indexation d’un certain nombre de prestations sociales: «Vos collègues, du moins ceux qui soutiennent vos vues, estiment que c’est insuffisant. Qu’il faut rogner encore plus, geler plus de prestations, voire réduire les revenus de la population parce que les salaires croissent trop vite. Il faut augmenter, le plus rapidement possible, l’âge de la retraite si nous voulons parvenir à équilibrer le système de pensions auquel nous consacrons des sommes énormes, issues du budget et du Fonds de réserve». Pour le Président, en théorie, ils ont raison. Avant de préciser que «pour construire correctement une politique économique, il faut, évidemment, se servir de sa tête. Mais si nous voulons que les gens nous fassent confiance, il faut aussi avoir un cœur». Ainsi taclé, A.Koudrine n’a plus eu qu’à préciser qu’il est également favorable à une politique sociale, ciblée.