Tour d’horizon de l’Internet russe

La première connexion internet sur le territoire russe a été réalisée en 1990, entre St-Pétersbourg et Helsinki. Après trois ans d'existence, le domaine ".su" a été remplacé par ".ru". L'internet russe, pour les initiés le "Ru.net", était né. Au cours des six dernières années, le nombre d'internautes russes a été multiplié par 25. Cette année, les analystes prévoient une hausse de 150 %.


Près de la moitié des 10 millions d'internautes qui surfent sur les sites internet russes se trouvent bien loin de Moscou et St-Pétersbourg : ils vivent à Berlin, à Tel-Aviv, à New York ou à Montréal... Le Ru.net est ainsi devenu le lieu de rencontre des communautés russophones éparpillées dans le monde. Seuls 7 % de la population, concentrés dans les deux capitales de la Fédération, Moscou et St-Pétersbourg, ont accès plus ou moins régulièrement à la Toile mondiale. Internet n'est certes pas absent des régions. Chaque grande ville héberge, en effet, des cafés internet mais les connexions restent rares.

La concentration des internautes n'est pas uniquement géographique. Il en existe une autre, autour de certains sites: si l'on dénombre 80 000 sites russes, seuls 20 sites suffisent à capter 89 % des internautes ! Parmi les sites du top-20 du Ru.net, le portail Rambler se taille une place de choix: de 50 à 70 % des internautes russes passent quotidiennement sur ce site au design pourtant peu attrayant.

Un espace d'information...sur écoute

Les internautes russophones sont avant tout en quête d'information : les sites consacrés à l'actualité, c'est-à-dire la version électronique des grands journaux russes ou encore les webzines, attirent près du tiers des visiteurs du Ru.net. Alors que les médias traditionnels font l'objet de tentatives plus ou moins directes de reprise en main par le pouvoir et que certains connaissent de sérieuses difficultés économiques, Internet se présente en Russie comme un espace de liberté. Lenta.ru, Smi.ru, Strana.ru, Gazeta.ru, Polit.ru sont aujourd'hui des sites de référence souvent mentionnés par les journaux traditionnels. Le journalisme en ligne s'est développé à partir de 1995 à l'initiative d'Anton Nossik, un des grands noms du Net russe: il est, en effet, le fondateur de Lenta.ru, le rédacteur en chef de Gazeta.ru et le vice-président de Rambler.

Si l'Etat laisse les médias se développer librement sur Internet, il entend surveiller de près les internautes. En 2000, le gouvernement russe a décidé de mettre en place un système de contrôle du trafic internet, Sorm 2. Petit frère de Sorm, système d'écoute téléphonique, Sorm 2 permet aux ser-vices spéciaux d'accéder aux messages échangés sur la Toile, ainsi que de localiser l'adresse électronique d'un utilisateur et son numéro de téléphone. Le FSB aurait accès non seulement aux e-mail mais aussi aux fichiers installés sur les disques durs des internautes. Ce système de contrôle n'est pas propre à la Russie, mais c'est le seul pays à imposer aux fournisseurs d'accès la prise en charge de l'installation des stations de contrôle. Des tentatives pour faire valoir la confidentialité des correspondances via internet voient toutefois le jour. C'est le cas, par exemple, de la société Baïard Slavia Communications, qui a saisi la justice en mettant en avant le problème de la surveillance du courrier électronique, et a obtenu gain de cause !

Pub et commerce : doit faire ses preuves

Si la qualité du contenu du Ru.Net n'a rien à envier à celle de l'internet francophone ou anglophone, il lui reste à faire ses preuves sur le terrain financier et technique. Espace d'information et de divertissement, le Ru.net n'est pas encore un espace commercial. A défaut de commerce en ligne, les entreprises misent sur la publicité. En 2002, 10 millions de dollars devraient être investis sur le marché publicitaire russe, soit à peine 1 % du marché publicitaire global. Mais les publicitaires restent optimistes: le chiffre d'affaires de la publicité pour 2002 est en hausse de 30 % par rapport à l'année précédente.

De manière générale, la rentabilité du Ru.Net dépend tout d'abord du nombre d'usagers. Pour cela, il faudrait moderniser le réseau téléphonique et combler le fossé entre les capitales et la province. Rappelons également que les internautes russes ne payent que les fournisseurs d'accès : les communications locales sont gratuites. Mais la gratuité des appels inter-urbains touche à sa fin. Une réforme qui pourrait porter un coup dur au développement d'internet en Russie…

Par Ludmyla BYLODUCHNO