Ukraine : le Parti des régions minoritaire aux élections régionales et municipales

Le 26 mars, les Ukrainiens étaient appelés à voter pour renouveler leur Parlement, mais aussi pour élire leurs représentants régionaux et municipaux. Analyse des résultats.


Vitali KlitschkoLe boxeur n’aura finalement pas eu la mairie de Kiev. Champion du monde dans la catégorie poids lourds, Vitali Klitchko se présentait le 26 mars aux élections municipales dans la capitale ukrainienne. Avec 23% des voix, il arrive après le candidat de la coalition pro-présidentielle Leonid Tchernovetski (31%), et devant le maire sortant, Alexandre Omeltchenko (22%). Président d’honneur de l’une des plus grandes banques privées ukrainiennes, Pravex, et affilié au parti Notre Ukraine (NU), Leonid Tchernovetski, 54 ans, a souligné qu’il travaillerait au sein de l’équipe municipale avec le parti du boxeur, Pora-PRP, acquis à la cause du président Iouchtchenko dès les premières heures de la révolution de 2004.

Outre les élections législatives qui ont vu la victoire du Parti des régions (PR) du candidat pro-russe Viktor Ianoukovitch, poussant ainsi les principaux partis issus de la révolution « orange », « Notre Ukraine » et le Bloc Ioulia Timochenko (BIOUT), à envisager une réconciliation, les Ukrainiens votaient également le 26 mars pour renouveler leurs assemblées régionales et municipales. La carte des résultats de ces deux derniers scrutins suit globalement celle de l’électorat dressée d’après le scrutin parlementaire, soit schématiquement, de part et d’autre d’une ligne Odessa-Kharkov, un sud-est « bleu », favorable à Viktor Ianoukovitch, et un nord-ouest « orange », partisan de Viktor Iouchtchenko, dans un pays où les sensibilités politiques semblent durablement associées à des couleurs.

Répartition des votes

Minoritaire à l’échelle du pays, le Parti des Régions enregistre des scores vertigineux dans ses fiefs de l’Est. Il remporte ainsi respectivement 65% et 66% des sièges des conseils régionaux (oblsoviet) de Lougansk et de Donetsk, confins orientaux traditionnellement conservateurs et historiquement liés à la Russie. Le bloc « Opposition populaire » de Natalia Vitrenko, le Parti communiste et le Parti socialiste y sont même mieux représentés que les forces oranges du BIOUT et de Notre Ukraine, pourtant majoritaires dans l’ensemble du pays. Les conseils régionaux du Donbass seront donc gouvernés pratiquement sans les « oranges », dont les sièges se comptent là sur les doigts d’une main. Les candidats « régionaux » Alexandre Loukianchenko et Sergueï Kravchenko conservent les mairies de Lougansk et de Donetsk.

En dépit d’un score de 32% en Crimée et de 23% dans la région d’Odessa, la victoire du Parti des régions est également nuancée dans le sud par un vote très hétérogène. A l’oblsoviet d’Odessa, l’opposition « orange », qui totalise 22% des suffrages, devra composer avec la présence du parti « Opposition populaire » de Natalia Vitrenko (10%) et de représentants issus de mouvements plus confidentiels, comme les Verts et la liste « Nié Tak !» (« Pas ainsi ! »). Le maire de la ville, Edouard Gourvits, qui sauve son siège, a formé un conseil municipal réunissant sous l’étiquette « Notre Odessa » les forces oranges. En Crimée non plus, le Parti des Régions ne gouvernera pas seul. Au Haut Conseil de l’autonomie, parviennent également le bloc de Sergueï Kounitsyna, le NRU (7 %), les représentants des Tatars de Crimée, le parti « Union », le BIOUT, le bloc de Natalia Vitrenko et les communistes.

Le vote « régional » s’atténue au fur et à mesure que l’on remonte en direction de l’Ouest. Bien que le Parti des Régions domine largement les nouveaux conseils des régions de Kharkov (42%), de Dniepropetrovsk (30%) et de Zaporojié (37%), l’opposition orange y est représentée pour environ 20%. En outre, les « bleus et blancs » ne mettent la main que sur la mairie de Kharkov (Mikhaïl Dobkine), tandis que les citoyens de Dniepropetrovsk et de Zaporojié renouvellent leur confiance envers leurs maires sortants respectifs, Ivan Koulichenko et Evgueniy Kartachov, leaders de listes indépendantes.

Raz-de-marée « orange »au nord de la ligne Odessa-Kharkov

Le nord de la ligne Odessa-Kharkov est balayé par un raz-de-marée « orange ». Les résultats montrent surtout l’extrême popularité de Ioulia Timochenko qui culmine à 42 % dans la région de Loutsk. Le parti du président Iouchtchenko arrive généralement en deuxième position, passant même devant le BIOUT dans les régions les plus occidentales, Lvov (28 %), les Carpates (23 %) et surtout Ivano-Frankovsk (41 %). Troisième force majoritaire dans les régions du centre, le parti socialiste obtient quelques concessions de la part des « oranges » coalisés : conquérant de la mairie de Tchernigov au grand dam du maire sortant Alexandre Sokolov, qui conteste officiellement l’élection devant un tribunal, les socialistes ont aussi obtenu le poste de gouverneur de Poltava, attribué à Stepan Boulba - la mairie de Poltava revenant au candidat du Parti des Régions Anatolyi Koukoba.

Dans les régions de l’ouest, aux frontières de l’Union européenne, le Parti des Régions, NU et le bloc populaire ukrainien de Kostienko et Plioucha complètent les assemblées régionales dominées par les coalitions « oranges » : la mairie d’Ivano-Frankovsk échoit au businessman Viktor Anouchkievitchous, allié du bloc Kostienko-Plioucha, tandis qu’un autre jeune homme d’affaires, candidat de la coalition présidentielle, contrôle désormais la mairie de Ternopol, renvoyant son prédécesseur, Bogdan Levkiv à un simple poste de conseiller régional. Dans les Carpates, la coalition orange devra également compter avec plus de 12 % des sièges occupés par le Parti des Régions à l’assemblée régionale.

Résultats contestés

De l’avis des observateurs internationaux, les élections du 26 mars sont satisfaisantes d’un point de vue démocratique. Le pluralisme, l’expression de chacun dans les médias, ont été respectés. « L’ambiance dans les bureaux de vote était calme et détendue ; nous n’avons remarqué aucune erreur susceptible de remettre en cause la légalité du scrutin », déclare un observateur de l’OSCE, à son retour de mission. « La seule critique que l’on peut émettre concerne l’organisation du scrutin. Les files d’attentes devant les bureaux de vote étaient parfois si longues qu’une dizaine de personnes âgées s’est trouvée en proie à de graves malaises en attendant son tour - dans les campagnes, l’affluence se concentrait surtout à l’ouverture des bureaux, très tôt le matin. Surtout, le fait que trois élections différentes, législatives, régionales et municipales se déroulent le même jour, a pu perturber les électeurs. »

Les résultats des scrutins régionaux et municipaux sont cependant contestés en plusieurs endroits. A Simferopol, les élections municipales ont été annulées en raison de l’illégalité présumée du retrait de la liste du Parti républicain d’Alexandre Gressa, ancien ministre des Finances de l’autonomie. A Sebastopol, l’élection du leader du Parti des Régions Valéry Saratov est également examinée par un tribunal à l’heure actuelle. Plus au nord, l’élection du businessman autodidacte à la mairie de Tcherkassy est également contestée, et dans la région de Lvov, les socialistes jugent falsifiée l’élection du gouverneur NU Piotr Oliïnyk.

Par Marie-Anne SORBA
Photo : Vitali Klitschko © smh.com.au