Ukraine : vote imminent du Parlement sur la Haute-Cour anticorruption

Par Jérémy Delaplagne (Sources : Présidence de la République d’Ukraine, Verkhovna Rada, Fonds monétaire international)

La lutte contre la corruption était l’une des principales revendications des manifestants du Maïdan à l’hiver 2013. Depuis, les progrès sont visibles mais contrastés: la réforme judiciaire est partiellement réalisée, marquée par l’interventionnisme politique dans la sélection des juges malgré l’implication de la société civile et d’experts indépendants. Le Bureau national de lutte contre la corruption en représente la principale réalisation, mais son action reste entravée par l’absence d’une cour spécialisée dans le traitement des affaires de corruption. En conséquence, les affaires s’enlisent dans les tribunaux ordinaires, alimentant la lassitude et la colère de la population.

Ces attentes sont largement partagées par les partenaires internationaux de l’Ukraine (UE, FMI, Commission de Venise) qui permettent au pays de faire face à la crise économique depuis 2013. La création d’une Haute-Cour anticorruption est l’une des principales conditionnalités demandées à l’Ukraine pour que le pays puisse recevoir une aide financière supplémentaire nécessaire pour sa stabilisation macroéconomique.

Après avoir été repoussé pendant près d’un an et demi, un projet de loi a enfin été déposé par le Président Petro Porochenko auprès de la Verkhovna Rada en décembre 2017. Vivement critiqué par la société civile et les partenaires internationaux pour le manque d’indépendance prévu de la Cour, le projet a néanmoins été adopté en première lecture le 1er mars 2018.

Après le dépôt de près de 2.000 amendements et de nombreuses consultations organisées avec les partenaires internationaux, les négociations touchent actuellement à leur fin. Même s’il avait précédemment déclaré son hostilité à toute intervention internationale dans la structure judiciaire interne de l’Ukraine, P.Porochenko appelle aujourd’hui les parlementaires à accorder le projet aux conditions demandées. Quant au Premier ministre Volodymyr Hroïsman, il a annoncé le 4 juin devant le Parlement qu’il démissionnerait si ces conditions n’étaient pas remplies.

Le principal point d’achoppement concerne la sélection des juges de cette nouvelle Haute-Cour: les parlementaires souhaitent que le rôle des experts internationaux ne soit que consultatif, quand la Commission de Venise et le FMI en particulier affichent leur fermeté sur un rôle contraignant. Un accord final doit être trouvé d’ici le 7 juin, lors du vote en seconde lecture, après examen des quelque 600 amendements restants.

Cette fermeté et la menace de crise politique en cas de démission du Premier ministre pèsent sur le vote des parlementaires. Un succès enverrait un signal politique fort à un an des prochaines élections nationales, au risque pour les personnalités mêlées à des affaires de corruption de se voir poursuivies par cette nouvelle Cour. À l’inverse, en cas de rejet ou d’absence d’accord sur les modalités de sélection des juges, c’est l’ensemble des programmes d’aide internationaux qui pourraient être remis en cause.