Un 3ème cycle à l’américaine

Etablissement non-étatique, l’Université Européenne de Saint-Pétersbourg propose un troisième cycle un peu particulier qui offre les meilleures chances de poursuivre en thèse dans des universités occidentales.


L’Université Européenne de Saint-Pétersbourg (EUSP) a été fondée en 1994 par la municipalité de Saint-Pétersbourg et grâce au soutien de fondations américaines (Soros et Ford) et d’universités partenaires (le Davis Center for Russian Studies de Harvard, les Universités d’Uppsala, Berlin, Birmingham, etc.) Les études à l’EUSP sont payantes, mais les candidats retenus obtiennent en général une bourse pour les trois ans que dure ce troisième cycle.

La spécificité de l’EUSP, en effet, est qu’elle ne fait pas partie du réseau public d’enseignement supérieur russe, ce qui implique par exemple que les étudiants doivent soutenir leur thèse d’aspirant à Moscou ou à l’étranger, et que l’EUSP, dépourvue de cité universitaire, ne peut en théorie inviter d’étudiants ou de professeurs étrangers en son nom propre. Les étudiants russes de l’EUSP entrent sur concours à l’issue de leur 5ème année d’études supérieures. Les effectifs sont assez restreints, une quinzaine par faculté et par année d’études, soit un total d’environ 200 étudiants, dont la grande majorité est originaire de Saint-Pétersbourg et des régions avoisinantes.

Une offre diversifiée

La faculté d’Histoire, spécialisée dans l’historiographie, l’étude des sources et méthodes de recherche et l’histoire nationale russe, héberge un Centre d’Histoire orale ainsi qu’un centre de formation aux métiers des archives, qui anime un séminaire bi-hebdomadaire pour les professionnels. Grâce au soutien du programme CREDO de l’UE et de la Société d’Histoire, un séminaire d’histoire archéologique de l’Europe médiévale et de la Russie ancienne a aussi vu le jour, animé conjointement avec les professeurs de la faculté d’histoire de l’Art.

Les étudiants de la faculté d’Ethnologie travaillent, eux, sur l’ethno-sémiotique, la fokloristique russe, la linguistique et l’anthropologie culturelle. Sont en cours deux programmes de recherche portant sur l’étude des minorités ethniques et sur la pratique de la tolérance ethnique (en collaboration avec le service fédéral des Migrations, l’Université du ministère de l’Intérieur et les organes de l’auto-administration locale chargés des réfugiés).

La faculté d’Economie (dirigée par Sergei Petcherskii) prépare à un master d’économie (y compris par correspondance), en collaboration avec l’Université d’Europe centrale de Budapest et de deux écoles supérieures suédoises. Elle organise aussi des summer schools sur les problèmes de transition économique et de management d’entreprise, auxquels participent les meilleurs économistes russes et d’Europe du Nord.

Le corps enseignant de la faculté de Science Politique et de Sociologie rassemble quant à lui de jeunes professeurs russes tous détenteurs d’un PhD d’une université britannique (Cambridge) ou américaine (Columbia, Harvard, Berkeley). Hormis la poursuite de deux projets scientifiques de longue haleine (un cycle d’études caucasiennes et un monitoring des élections russes de 1993 à 1996), la faculté peut se vanter d’avoir aidé à la publication de travaux de politologie, de philosophie politique, de régionalistique et de sociologie qui ont fait date, comme celui du directeur de la faculté, le brillant Oleg Kharkhordine, connu pour ses travaux sur le public et le privé en Russie.

La faculté de Science Politique et de Sociologie

Au sein de cette faculté ont été créés deux programmes d’études assez novateurs pour Saint-Pétersbourg : un Centre de gender studies, ouvert en 1997 par l’Open Society (Fondation Soros), qui délivre un master sur le féminisme et les gender issues, diplôme coordonné par les sociologues Elena Zdravomyslova et Anna Tyomkina.

La faculté a surtout fait connaître l’EUSP au niveau international par la création, en 1998, toujours grâce au soutien de fondations américaines, du programme IMARS (International Master of Russian Studies), destiné aux étudiants de sciences sociales de niveau magistère des universités étrangères partenaires. Sur un échantillon d’une vingtaine d’étudiants chaque année, la majorité est originaire de Finlande. L’Aleksanteri Institute de l’Université d’Helsinki est en effet, avec l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris et la London School of Economics, le coordinateur et le bénéficiaire, côté européen, d’un programme d’échanges avec l’EUSP financé par le programme européen TEMPUS. Grâce à ces bourses d’environ 1.000 euros par mois, deux étudiants de Sciences Po Paris ont, depuis 1999, suivi pour un semestre les cours en anglais de l’IMARS, tandis que deux francophones de l’EUSP venaient à Paris, essentiellement pour utiliser les ressources de la bibliothèque de l’IEP. Les autres étudiants étrangers de l’IMARS proviennent à égalité d’Allemagne (grâce aux bourses de la DAAD (Service allemand des Echanges académiques), des Etats-Unis (Ohio University, University of Michigan, Stanford University) et de Grande-Bretagne (LSE).

Tentant à la fois de préserver son indépendance par rapport aux donateurs (qui alimentent la bibliothèque en ouvrages étrangers non-disponibles ailleurs) et sa légitimité à l’intérieur du système universitaire russe, l’EUSP a fini par trouver sa place dans le paysage académique russe. Elle fournit par ailleurs chaque année un contingent de jeunes diplômés très compétents sur le marché international du travail, si bien que beaucoup partent poursuivre leurs travaux à l’étranger – en Scandinavie, en Allemagne et aux Etats-Unis notamment.

Par Anaïs MARIN