Malgré une journée de l'Euro organisée à Moscou par l'Union Européenne début décembre, la réforme monétaire qui affecte les douze pays de la zone euro début 2002 n'intéresse guère les Russes. Quant aux banques et autorités monétaires, après s'être embrouillées dans des tracas juridiques, elles se montrent peu confiante dans la nouvelle monnaie européenne.
Des euros bloqués en douane
Le 20 décembre: ce n'est qu'à cette date que les banques russes ont pu commencer à s'approvisionner en euros. Jusqu'à cette date tardive, les billets avaient été acheminés mais restaient bloqués par les douaniers russe qui ne savaient pas comment déclarer ces "importations". Considérant que les billets n'avaient pas encore de valeur monétaire, ils refusaient de les considérer comme des devises sans pour autant pouvoir les faire entrer sur le territoire russe comme de vulgaire rames de papiers... Cette imbroglio a finalement été résolu après l'intervention de la Banque Centrale de la Fédération de Russie qui a clarifié le statut des nouveaux billets.
Si les banques russes ont eu des difficultés à s'approvisionner, selon les autorités russes, ce ne serait pas le cas des faux-monnayeurs et des acteurs de l'économie de l'ombre. Evoquant des cas de pillage de voitures transportant des euros, Alexandre Iourov, responsable à la Banque centrale est d'avis que "les structures criminelles se sont préparées à l'impression de faux-euros". Afin de diminuer ce risque, un bureau d'Interpol a été créé auprès du Ministère de l'Intérieur.
Faible confiance dans l'Euro
Les citoyens russes qui détiennent pourtant plusieurs milliard de D-Mark dans leur bas de laine et sur leurs comptes en devises sont peu au courant des modalités d'introduction des billets en euros. Bien que l'UE affirme avoir distribué près de 400 000 brochures d'information et que la banque centrale allemande ait consenti à un effort de même ampleur, les russes qui souhaitaient s'informer avaient plus de chance de le faire au détour des jeux télévisés qui depuis l'automne 2001 se sont plus à coller leurs candidats en les interrogeant tantôt sur les pays faisant parti de la zone euro, tantôt sur le nom de la division décimale des euros.
Quant aux banques, si elles ont craint de louper le passage à l'euro, beaucoup s'accordent en Russie pour dire que cette crainte était motivée avant tout par des raisons de prestige. Les devises qui sont amenées à disparaitre, le D-Mark excepté, ne sont que peut utilisées sur le marché russe. Si les russes détiennent entre 5 et 10 milliards de D-Mark, leurs avoirs en dollars seraient vingt fois plus importants. Quant aux échanges économiques, ils reposent essentiellement sur des produits côtés sur le marché mondial en dollars (pétrole, gaz, métaux précieux).
Paradoxalement, la mise en circulation des euros devrait dans une premier temps se solder en Russie par une hégémonie accrue du dollar qui est d'ores et déjà l'unité de compte de référence dans un pays qui craint en permanence une dévaluation brutale de sa monnaie nationale. Les autorités russes, loin de favoriser l'achat d'euros, mettent en garde la population contre cette nouvelle devise. Fin décembre, la Banque centrale russe a ainsi explicitement recommandé de ne pas acheter d'euros avant 2003!
Quelques économistes ont néanmoins réagi et n'ont pas hésité à déclarer que cette position de l'autorité monétaire était sans fondement.
Dans l'immédiat, voire avant plusieurs années, la "révolution" monétaire européenne ne devrait donc avoir que peu d'impact auprès de la population russe qui après avoir vécu trois réformes monétaires en l'espace d'une décennie ne comprend pas vraiment la frénésie et les angoisses dont témoignent ses voisins européens. A long terme, la part croissante des pays de la zone euro dans les importations et les exportations russes est néanmoins susceptible de modifier la donne monétaire et de remettre en cause la situation privilégiée des billets verts.