À la découverte du musée Zadkine: deux artistes en leur domaine

En plein cœur du quartier du Montparnasse, l’atelier-musée de l’artiste d’origine russe Ossip Zadkine vient rappeler au visiteur curieux l’empreinte de ce sculpteur majeur du XXe siècle et, en filigrane, le rôle de sa discrète épouse Valentine Prax.


Ossip Zadkine (Nina Dubocs)Ouvert conformément au souhait de l’artiste et grâce à l’énergie de V. Prax, l’atelier-musée Zadkine se situe à deux pas du jardin du Luxembourg et du célèbre atelier Bourdelle. Niché dans un écrin de verdure, il vient rappeler le rôle artistique joué par ce quartier au début du siècle passé. Après des travaux d’envergure, le musée vient tout juste de rouvrir ses portes.

Jardin du musée Zadkine

Graphiste, illustrateur, mais surtout sculpteur, Ossip Zadkine s’installe à Paris en 1909, alors âgé de 19 ans, où il travaille d’abord à La Ruche et se lie avec les artistes de l’époque. Aujourd’hui réputé pour ses sculptures cubistes, Zadkine vit alors avant tout de ses œuvres graphiques, dont des illustrations pour des livres de poésie. En 1916-1917, engagé dans une Ambulance russe au sein du Service de santé des Armées, il produit de nombreuses aquarelles de guerre, malheureusement rarement exposées.

 

Ossip Zadkine

Ossip Zadkine (Nina Dubocs)

L’atelier-musée de la rue d’Assas est peu prolixe quant à la vie de l’artiste : pas de récit, pas d’anecdotes, encore moins de photos de Zadkine. On vient ici pour l’art, pas pour l’artiste.

Plus troublant encore, aucune information n’est donnée concernant Valentine Prax : Ossip Zadkine a pourtant partagé, à partir de 1928 et pour de longues années, cette résidence avec celle qui était devenue son épouse en 1920. Elle n’apparaît dans le musée qu’en tant que légataire. V. Prax fut pourtant l’une des rares femmes artistes-peintres reconnues à son époque.

 

 

Valentine Prax (Nina Dubocs)Valentine Prax

Également poète, Valentine Prax a consacré toute sa vie à l’art, traversant des périodes parfois difficiles, tenant face à l’adversité malgré sa timidité et soutenant sans relâche son époux parfois lui-même pris de doutes existentiels. Séparé durant l’exil américain de Zadkine pendant la Seconde Guerre mondiale, ce couple harmonieux, étonnamment peu chaotique, semble s’être épaulé mutuellement jusqu’au décès de Zadkine en 1967 et au-delà, puisque Valentine Prax a respecté les dernières volontés de son époux en permettant la transformation de l’atelier en musée, en 1982. La plupart des sculptures d’O. Zadkine, du cubisme à l’abstraction, y sont exposées.

 L'oiseau d'or (Ossip Zadkine)

    L’Oiseau d’or, O. Zadkine (1924)

Cet « oubli » du rôle artistique mais aussi testamentaire et personnel, de V. Prax ne rend justice ni au travail acharné de V. Prax, ni à l’implication d’O. Zadkine face à une compagne qu’il a encouragée jusqu’à son dernier souffle : « Fais ton propre travail car ce n’est que pour ça que nous sommes ici-bas. Ton O. », lui écrivait-il à la veille de sa disparition (O. Zadkine, Lettre posthume à Valentine, 1967, site internet du musée Zadkine).

Hermaphrodite (Ossip Zadkine)Tête d'homme (O. Zadkine)

  Hermaphrodite, O. Zadkine (1914)                              Tête d’homme, O. Zadkine (1922)

Entièrement rénové, le musée Zadkine a rouvert ses portes le 27 septembre dernier et accueille actuellement une exposition intitulée Le Rêveur de la Forêt (visible jusqu’au 23 février 2020). Ainsi, les œuvres de Zadkine se mêlent à celles d’artistes qui lui furent contemporains ou qui le sont pour le visiteur, présentant des styles et des médiums variés.

Le sommeil (Auguste Rodin)

Le sommeil, Auguste Rodin (sur fond sonore de la forêt)

Plus lumineuse désormais, cette enclave bucolique cachée au fond d’une cour reste avant tout le lieu de présentation des grandes sculptures de l’artiste (en extérieur) et de ses œuvres plus « intimes », présentées dans les petites pièces de l’intérieur.

Jardin du musée O. Zadkine

Vrai havre de paix et de création, le jardin du musée voit s’entremêler en une parfaite symbiose plantes et sculptures. Quoi de mieux pour évoquer le mythique autant que discret couple Zadkine-Pax, qui sembla trouver là, au cœur d’une époque furieuse mais inventive, le ferment inspirant de créations authentiques ?

La ville détruite (O. Zadkine)

La ville détruite, O. Zadkine (1951-1963)

 

* Nina Dubocs (illustrations, photos et texte) est illustratrice, diplômée de l’Institut supérieur des arts appliqués (LISAA), stagiaire à Regard sur l'Est, Instagram.

 

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