Très beau film de Paweł Pawlikowski qui traverse une quinzaine d’années de Guerre froide, entre la Pologne stalinienne des années 1950 et les clubs de jazz parisiens du début des années 1960. Fidèle au noir et blanc pour lequel il avait opté dans Ida, le cinéaste signe un nouveau grand film, cette fois sur la passion amoureuse de deux êtres contraints par un cadre trop étroit. On est touchés par la grâce des acteurs, par la mélancolie que Pawlikowski réussit à introduire, jusque dans les chants et danses folkloriques polonais, patrimoine collecté avant d’être instrumentalisé par le pouvoir. On est touchés par la quête des amants maudits, à la recherche d'un absolu inatteignable quel que soit le côté du Mur. Le noir et blanc n’incarne pas la seule grisaille socialiste…
La musique joue un rôle à part entière dans cet opus, traversé par les trois versions entêtantes de cette chanson qui, comme les protagonistes, se fait instrumentaliser : authentique chant traditionnel, Dwa Serduszka est adapté pour le groupe folklorique Mazurek dans une démarche « promotionnelle » de l'identité polonaise, avant d’être finalement sublimé par une version jazz déchirante.
Dans Ida, Pawlikowski avait déjà mis en scène une émotion qui, parce que contenue, n’en était que plus violente. Gageons que Dwa Serduszka vous accompagnera pour un petit bout de chemin.