République tchèque : disparition de l’un des plus anciens quotidiens du pays

Fin août, le quotidien Lidové noviny (Journal du peuple) cessera de paraître en version papier. Il restera accessible en ligne, en version abrégée, qui risque de disparaître rapidement à son tour. Sur le plan symbolique, une page se tourne dans l’histoire de la presse écrite du pays. En effet, il s’agit d’un titre qui a existé, avec des interruptions, pendant plus de 130 ans.

La longue histoire de Lidové noviny commence à l’époque de l’Empire austro-hongrois. Il a été créé à la fin du XIXe siècle par un juriste de Brno, capitale de la Moravie ayant une forte population germanophone. À l’époque, son fondateur souhaitait offrir aux habitants de cette ville un périodique en langue tchèque. Rapidement, Lidové noviny est devenu un journal de référence à diffusion nationale. Il a connu son âge d’or pendant l’Entre-Deux-guerres avec des contributeurs renommés, tel l’écrivain Karel Čapek. Dans les années 1930, il a ouvertement défendu les valeurs démocratiques contre la montée du nazisme, ce qui a obligé de nombreux auteurs à partir en exil. D’autres ont péri dans les centres de mise à mort du régime nazi.

Le journal a ensuite été interdit pendant la période communiste, et son renouveau date seulement de la fin des années 1980. Soutenu par le dissident et futur président Václav Havel, le périodique a accompagné l’effondrement du régime totalitaire qui avait muselé la presse libre. Son rédacteur en chef, Jiří Ruml, a rapidement réussi à en faire un quotidien de qualité, renouant avec la tradition de l’Entre-Deux-guerres.

Au début des années 1990, ses collaborateurs se rappellent d’une atmosphère au sein de la rédaction marquée par l’euphorie de la liberté de la presse retrouvée et l’envie de contribuer à la transition vers un régime démocratique. « Il y avait de nombreux journalistes de qualité, parmi eux des écrivains et des intellectuels, mais le journal manquait de vision d’ensemble », estime Libor Stejskal, membre de la rédaction à l’époque. Malgré une ligne éditoriale donnant plus de place à des articles ancrés dans l’actualité, les ventes n’ont cessé de s’effondrer, passant de 95 000 au début des années 1990 à 60 000 à la fin de la décennie.

En 2013, le groupe propriétaire de Lidové noviny a été racheté par Andrej Babiš, député devenu ensuite Premier ministre, dont la politique est souvent qualifiée de populiste. Ce rachat a marqué la fin d’un titre de presse indépendant et a précipité l’effondrement du tirage, qui plafonne aujourd’hui à moins de 20 000 exemplaires.

Sources : Aktualne.cz, ihned.cz, respekt.cz.