Sur la route de Kukës…

Nous quittons Kukës et ses milliers de réfugiés. Le 20 avril, leur nombre était estimé à 80 000 pour une ville de 15 000 habitants. Nous atteignons Krumë, ville du nord de l'Albanie située à quinze kilomètres de la frontière du Kosovo.

Camp d'Albanais du Kosovo, le Poularia Après trente kilomètres parcourus en une heure, sur les terribles routes albanaises, nous apercevons à flanc de montagne le bourg. En contrebas de la route se trouve le camp d'Albanais du Kosovo, le Poularia ("poule" en albanais). Au premier plan, une arrivée d'eau improvisée où les femmes font leur lessive, entourée de leurs marmots jouant dans la boue. Plus loin, la vision récurrente de tentes blanches établies à proximité de bâtiments délabrés...Dans le camp sont rassemblées 1 350 personnes, surtout des femmes et des enfants en bas âge. Depuis le 4 avril, 177 familles sont arrivées. A cet effet, la mairie de Krumë a réquisitionné une ancienne ferme avicole pour les y installer. Les rares hommes présents essayent d'organiser le camp, épaulés dans leur action par un couple franco-belge de Médecins Sans Frontières.

C'est à Islam Berisha qu'est revenue la responsabilité de s'occuper de la liste des pensionnaires, essentielle en tous points. Elle permettra notamment de répartir la nourriture par tente ou logement, de connaître les personnes manquantes et de repérer les femmes enceintes. Sur les 177 familles, 60 femmes sont enceintes.

Après un rapide tour d'horizon, Christophe, le représentant de Médecins Sans Frontières nous confie ses craintes : "on se prépare à ce que les réfugiés soient encore là dans six mois-un an...". Pour cela il faut renforcer les infrastructures, mettre en place les canalisations, construire des latrines, améliorer le modeste confort dans les poulaillers où les lits de bois, ces châlits, rappellent étrangement des images qui nous sont tellement contemporaines... Enfin, on se quitte sur ce fait porteur d'espoir : les enfants devraient, dans la semaine à venir, être scolarisés à l'école de Krumë. Peut-on espérer qu'on leur apprenne à se réconcilier avec leurs anciens et futurs voisins, pour l'heure, ennemis, les Serbes ?

* Auteur de l'article : Bertrand WERT

Photo : © François VILALDACH