D #31 : Edito

Le naufrage de l’URSS a emporté avec lui l’ensemble des valeurs et des cadres d’analyse hérités du marxisme-léninisme. La nouvelle Russie, engagée dans le mouvement de la mondialisation, s’est lancée dans une recherche effrénée de nouveaux repères. Elle doit axer sa politique autour de nouvelles problématiques, liées au capitalisme et à la démocratie. Dans un bref laps de temps, il lui faut instaurer à la fois une économie de marché et un Etat de droit.

L’efficacité des réformes nécessite un renouvellement des outils d’analyse et des cadres conceptuels. Comblant le vide idéologique laissé par la disparition du communisme, l’importation massive et brutale de théories économiques et philosophiques libérales, au début des années 90, n’a pas suffi à donner une meilleure lecture de la situation du pays. Pour mieux comprendre leur société, les Russes doivent désormais adapter et s’approprier ces nouvelles grilles d’analyse. L’enseignement et l’éducation, outils indispensables à la diffusion d’un savoir renouvelé, d’une culture partagée, sont au coeur de ces enjeux. Ce n’est qu’en observant où et comment sont formées les prochaines générations d’ingénieurs, de cadres, de professeurs, de journalistes, ainsi qu’en s’intéressant à leurs attentes et projets, que nous pourrons mieux appréhender l’aboutissement des transformations actuelles.

Ce dossier sur l’université russe vise avant tout à faire découvrir un univers clos où fermentent et se diffusent les idées de demain, un univers jusqu’à présent laissé à l’écart des réformes et des privatisations mais qui a radicalement changé. Il était malheureusement impossible de traiter ce sujet de façon exhaustive. Aussi avons-nous mis l’accent sur les sciences humaines, où transparaissent des phénomènes propres à l’ensemble de l’université russe. Ce dossier se propose également d’aborder sous un angle singulier, peu médiatisé, la question des politiques publiques en Russie.

Le Kremlin mène-t-il une réflexion réelle sur le secteur public ou ne procède-t-il qu’à des aménagements de façade? Comment Vladimir Poutine, qui lancera certainement la réforme tant attendue des examens à l’université, jonglera-t-il entre sa volonté affichée de rétablir une centralisation administrative et l’autogestion de facto des établissements d’enseignement supérieur? Si la Russie n’a pas réformé son système universitaire reposant sur l’égalité des chances et l’enseignement gratuit, très populaires à l’époque soviétique, de nombreux cursus devenus payants sont désormais inaccessibles aux simples citoyens. La Russie a fait le choix passif d’un système à l’américaine. Reviendra-t-elle sur cette orientation?