D #18 : Edito

Tenter, dix ans après la chute du mur de Berlin, de dresser un bilan des évolutions de l'Europe post-communiste a-t-il un sens ?

Cette question revient d'abord à s'interroger sur un parti-pris chronologique. La chute du mur de Berlin a-t-elle ou non un caractère fondateur dans les transformations que connaissent les pays post-communistes ? Certains y voient plutôt un aboutissement, le résultat d'une dernière crise du bloc communiste (après celles de 1953, 1956 et 1968), sonnant le glas de son existence. Pour d'autres, se focaliser sur une seule date conduit à masquer la variété chronologique des modes de sortie du communisme (précoce et graduel en Pologne et en Hongrie, brutal en RDA, tardif en Roumanie, en Yougoslavie ou en URSS).

La chute du mur ne serait donc qu'un symbole médiatique permettant d'établir un repère historique commode mais réducteur. Ces objections, toutefois, n'enlèvent pas à 1989 la valeur d'un moment où tout s'accélère et bascule: les équipes dirigeantes des pays du glacis soviétique tombent les unes après les autres, avant que le centre de l'empire n'éclate et ne disparaisse à son tour. La force symbolique de l'événement rend tout retour en arrière impossible et donne à cette date une portée historique.

Les dix années qui nous séparent de 1989 sont-elles autre chose qu'un chiffre rond mais creux? Pour une fois, le goût pour les "beaux anniversaires" coïncide assez bien avec l'achèvement de certains processus. La Yougoslavie semble avoir épuisé ses possibilités de dislocation au Kosovo, ce qui pourrait inaugurer une période de plus grande stabilité dans les Balkans. La même année, l'entrée dans l'OTAN de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque a permis aux plus avancés des pays d'Europe centrale et orientale de recueillir les premiers fruits de leur politique d'amarrage à l'Occident. Quant à la Russie, elle vit dans le sang et les scandales financiers la fin de l'ère Eltsine.

Devant cette diversité de situations, les pays de l'Europe post-communiste se prêtent-ils à une analyse englobante de leurs évolutions ? La notion d'Europe post-communiste est-elle encore un cadre satisfaisant pour appréhender les Etats et les populations qu'elle prétend regrouper ? Si l'on considère que les disparités constatées ne font que traduire la variété des voies empruntées pour affronter les héritages d'un passé commun, une réponse affirmative est loin d'être infondée.

Ces contrastes mériteraient d'y consacrer une typologie. Ce sont eux qui expliquent le choix de centrer notre dossier sur la question des rapports de l'Europe post-communiste avec l'Union européenne (UE). De l'appartenance au Conseil de l'Europe à l'adhésion prévue à l'UE, l'institution Europe concerne presque tous les Etats de la région. Elle est un thème d'autant plus "fédérateur" que la disparition des régimes communistes s'est partout accompagnée d'un renouveau des débats sur l'européanité.

Vignette : Statue de Karl Marx, Université Corvinus, Budapest (© Assen SLIM).