Le Conseil turcique, vecteur de l’influence d’Ankara en Asie centrale

Depuis l'éclatement de l'Union soviétique, la Turquie s'est efforcée de reprendre pied en Asie centrale, en créant dès 1991 une Agence de coopération afin de promouvoir les liens culturels et économiques, puis en instituant le Conseil turcique, en 2009. Le soutien militaire accordé par Ankara à Bakou, facteur important de sa victoire sur l'Arménie en novembre 2020, lui ouvre de nouvelles perspectives. L'accord de cessez-le-feu prévoit en effet la création d'un corridor reliant à travers le territoire arménien, l'enclave du Nakhitchevan, région voisine de la Turquie, au reste de l’Azerbaïdjan, ce qui facilite l'accès d'Ankara à l'Asie centrale.

En mars dernier, le ministre turc des Affaires étrangères a effectué une tournée dans trois pays turcophones (Kirghizstan, Ouzbékistan, Turkménistan) d’Asie centrale, avant de se rendre au Kazakhstan. Mevlüt Çavuşoğlu a évoqué notamment les perspectives de coopération en matière d'armement et dans le domaine économique. La Turquie mise sur le patrimoine culturel commun mais aussi sur la volonté de ces ex-républiques soviétiques, exposées à l'influence croissante de leurs puissants voisins que sont la Chine et la Russie, de diversifier leurs relations.

Malgré la découverte récente de gisements de gaz en mer Noire, la Turquie demeure dépendante des importations d'énergie, aussi la recherche de sources alternatives, indépendantes de la Russie et de l'Iran, constitue-t-elle un autre objectif géopolitique important pour Ankara. C'est grâce à la médiation turque qu'a été conclu en mars, un accord entre Achgabat et Bakou sur la délimitation de champs pétrolifères de la Caspienne, et Ankara espère participer à leur mise en valeur.

Un sommet virtuel du Conseil turcique réunissant les chefs d'État et de gouvernement kazakh, azerbaïdjanais, kirghize, turc, ouzbèke et turkmène, ainsi que le Premier ministre hongrois – en qualité d'observateur – s'est tenu le 31 mars 2021. En ouvrant la discussion, le président du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaev a souligné que l’objectif était de faire du « monde turcique l’une des régions les plus importantes sur les plans économique, culturel et humain au XXIème siècle ». Le président Erdogan a jugé le moment venu pour transformer le Conseil en organisation internationale et, sous réserve de la situation sanitaire, il a proposé d'accueillir le prochain sommet le 12 novembre 2021 à Istanbul. La situation des Ouïgours, pomme de discorde entre Ankara et Pékin, ne semble pas avoir été abordée.