Moldavie : à Chisinau, la contestation s’étend

Par Vincent Henry (sources : Timpul, Unimedia, Publika.md, platzforma.md)

La place de la grande Assemblée nationale, en plein centre de Chisinau, est le théâtre d’un vaste mouvement de contestation depuis le 6 septembre 2015. La plateforme civique Demnitate şi Adevăr (DA, Dignité et vérité) avait appelé à une manifestation pour le premier dimanche du mois de septembre. Cette initiative a réuni près de 40.000 manifestants venus de tout le pays pour demander la démission du gouvernement conduit par Valeriu Streleț ainsi que celle du président de la République Nicolae Timofti et réclamer des élections anticipées.

Les causes du mécontentement sont nombreuses: parmi elles, on peut citer l’affaire du milliard de lei disparu des banques moldaves, preuve d’une corruption généralisée au plus haut niveau et qui a contribué à déstabiliser gravement le système financier du pays. La monnaie nationale, le leu moldave, a perdu beaucoup de sa valeur ce qui a entraîné une forte inflation. Par ailleurs, la défiance vis-à-vis des élites politiques et économiques du pays ne cesse d’augmenter depuis les dernières élections législatives.

Après le succès de leur manifestation du 6 septembre, une partie des manifestants a installé un campement sur la place et l’a baptisé «ville de la dignité». Une délégation des manifestants a été reçue par le Premier ministre qui a refusé l’idée d’élections anticipées. Le 13 septembre, un nouveau rassemblement d’ampleur a été organisé, qui a réuni environ 30.000 personnes.

La plateforme DA, lancée en février 2015 pour favoriser la prise de conscience citoyenne, a réussi en quelques mois à s’imposer dans le paysage social et politique du pays. Malgré ses succès, elle essuie toutefois de nombreuses critiques: incohérente et désorganisée pour les uns, elle est également soupçonnée par certains d’être contrôlée par des personnalités politiques ou des hommes d’affaires exclus des cercles du pouvoir actuel. Sa volonté d’exclure du mouvement les partisans de l’union avec la Roumanie lui aliène également une partie de l’intelligentsia du pays qui la soupçonne de vouloir faire le jeu des formations pro-russes. Ces différents soupçons ont été relancés par les récentes déclarations des fondateurs de la plateforme qui envisagent aujourd’hui de la transformer en parti politique.

Au-delà de ces polémiques, la population moldave exprime de plus en plus ouvertement son rejet d’un système politique confisqué par les grands oligarques du pays. Après le rassemblement du 13 septembre, la plateforme DA a continué à organiser des manifestations devant la résidence présidentielle et devant le siège du Centre national de lutte contre la corruption. Un autre grand rassemblement est prévu pour le dimanche 20 septembre.