Roumanie : poursuites judiciaires dans l’affaire des archives du SIPA

Par Stéphan Altasserre (sources : Jurnalul nacional, Mediafax)

Le Service indépendant de protection et d’anti-corruption (SIPA) rattaché au ministère roumain de la Justice a longtemps été accusé par ses détracteurs d’être une «arme politique» au service du gouvernement contre les magistrats. Très contesté, il fut supprimé en 2006 par la ministre de la Justice Monica Macovei. Cette dernière fut plus récemment accusée d’avoir illégalement fait des copies de certaines archives et d’en avoir détruit d’autres lors de son ministère. C’est pourquoi la gestion des archives du SIPA et l’accès à ces données revêtent un aspect particulièrement sensible dans ce pays, où magistrats et dirigeants politiques s’opposent régulièrement.

Début juillet 2017, l’Union nationale des juges de Roumanie (UNJR) a demandé au gouvernement de Sorin Grindeanu de suspendre l’exécution d’une partie de l’ordonnance N°140/2017, portant sur la création d’un Comité d’inventaire des archives du SIPA. L’UNJR soupçonne les services de renseignement et les politiciens de chercher à entrer légalement en possession du contenu des archives, afin de «faire du chantage aux juges» (obtenir des décisions favorables ou des informations sur les affaires en cours), d’où son opposition à la création de cette entité. En conformité avec la position prise par l’UNJR sur le sujet, le Conseil supérieur de la magistrature, invité par le ministre de la Justice à consulter les associations professionnelles afin de nommer un magistrat pour devenir membre de la Commission d’inventaire, n’avait pas répondu au gouvernement dans le délai imparti. Le comité est néanmoins entré en fonction le 12 juillet 2017. En réaction, la juge Dana Gârbovan, qui dirige l’UNJR, a déposé un recours auprès de la Cour suprême le 30 août.

Le 8 mai 2018, les juges des services administratifs et fiscaux de la Haute Cour de kustice ont ordonné le versement au dossier et la notification aux parties du rapport de l’UNJR portant sur le comité d’inventaire. Les magistrats y contestent le contenu de plusieurs articles (n°1, 2 et 3) portant à la fois sur les documents confiés au Comité d’inventaire des archives de l’ancien SIPA, sur les missions de cette entité, sa gestion, sa composition et sur le mode de sélection de ses membres et suppléants. Ils émettent également des critiques sur l’accès aux archives du SIPA (article 4), qui ne serait pas, selon eux, suffisamment restrictif.

Cette décision survient alors qu’au début du mois de mai 2018, la sénatrice Laura Scântei a déclaré que la gestion du comité et l’accès aux archives du SIPA laissaient à désire. Elle a donc appelé le ministère de la Justice à s’impliquer sur ce dossier et précisé que la commission d’information parlementaire sur les archives, à laquelle elle avait appartenu, avait fait récemment des propositions concrètes au bureau de la protection des informations classifiées, après avoir constaté des incidents compromettant la sécurité des archives.