Un saut en Slovénie

De tous les pays de l’Est, la Slovénie dispose de la plus ancienne tradition de ski de compétition. Aujourd’hui, loin de renier leur image parfois stéréotypée de peuple sportif et montagnard, les Slovènes continuent à organiser de spectaculaires épreuves de saut à ski, une discipline qu’ils ont largement contribué à développer et à populariser sur la scène sportive internationale.


Si les origines du saut à ski remontent aux années 1860 en Norvège, ce n’est qu’à partir des années 1930 que cette discipline connaît un véritable essor. A une époque où les sauts ne dépassent pas les 70 mètres (un saut de 130 m est aujourd’hui courant), un groupe de jeunes Slovènes, habitué à suivre les exploits des “imbattables” Norvégiens dans les stations de ski étrangères, projette d’installer une rampe géante dans le village de Planica, dans le Nord des Alpes juliennes. Malgré l’opposition de la Fédération internationale de ski (FIS), qui craint que l’installation ne soit trop dangereuse, la rampe est inaugurée en 1934. La même année, la barre des 90 mètres est franchie et le record du monde est battu coup sur coup, mais la FIS refuse toujours de reconnaître les sauts “géants” - ou les “vols”, tels qu’on les nommait alors –comme faisant partie du championnat de saut à ski. Pour la FIS, les sauts ne devaient en aucun cas dépasser les 80 mètres.

Planica et Pierre de Coubertin

En 1935, les Slovènes reçoivent l’appui du Baron Pierre de Coubertin, qui déclare notamment dans son célèbre discours Pax Olimpica “Citius, Alitius, Fortius! Ce slogan s’adresse à ceux qui sont prêts à prendre des risques pour battre des records du monde”. Mais ni de Coubertin, ni même la proposition slovène de séparer le saut à ski en deux disciplines -l’une classique, l’autre pour les sauts plus longs, dit “vols”- ne réussissent à convaincre les représentants de la FIS. Les compétitions continuent néanmoins d’être organisées à Planica où, au mois de mars 1936, l’Autrichien Sepp Dradl devient le premier skieur à franchir les 100 mètres. Une distance qui nous paraît aujourd’hui très anodine, mais qui représentait à ce moment-là un véritable vol à ski. Deux ans plus tard, Planica est enfin intégré au calendrier des compétitions officielles de saut à ski après que le délégués de la FIS, réunis en congrès à Helsinki, aient été convaincus des conditions de sécurité par le responsable de l’installation slovène. Sévèrement endommagée durant la Deuxième Guerre mondiale, Planica est presque entièrement rebâtie en 1946 et accueille de nouveau les sportifs l’année suivante. En près de 70 ans d’existence, la rampe a permis d’établir une trentaine de records du monde, dont le célèbre franchissement des 200 mètres en 1994. Non contents d’accueillir chaque année plusieurs épreuves de la Coupe du monde, les Slovènes ont aussi inventé un nouveau sport, le saut à ski estival.

Elan

Comme pour son grand frère, le ski alpin, le saut à ski slovène dispose, en plus de ses solides infrastructure, de la présence et du soutien d’Elan, l’un des plus grands fabricants de ski au monde. L’entreprise est née en 1944, lorsqu’un groupe de douze artisans slovènes a commencé à fabriquer des skis pour les Partisans de Tito. C’est le responsable du collectif, Rudi Fingar, ancien membre de l’équipe nationale de saut à ski, qui, après la Guerre, décide de fonder une coopérative spécialisée dans la production d’équipement sportif. Depuis, Elan exporte ses skis dans le monde entier et constitue, aux côtés du fabricant d’électroménager Gorenje, l’un des fleurons de l’industrie slovène. C’est dire que le ski, activité très appréciée et pratiquée des Slovènes -au même titre que la randonnée- a encore de beaux jours devant lui dans les Alpes juliennes.

Par David BEAUSOLEIL