D #33 : Edito

A l'étroit entre une mer Caspienne gourmande des mises en lumière médiatiques, victime des perforations de gargantuesques pompes à "or noir", et une mer Méditerranée dont la renommée n'est plus à faire, la mer Noire évolue, bon vent, mal vent, à l'ombre de ses deux rivales. 

Impossible pourtant de l'ignorer. Elle est affublée de ce noir qui n'aura jamais été si mérité. Parce que ses eaux sont polluées. Parce que le décollage économique de la région se fait attendre. Ou encore parce que ses côtes sont délaissées par des touristes toujours plus assoiffés d'air méridional.

Mais, cette mer-là cache bien son jeu. Tantôt sous la lumière des rétro-projecteurs de militaires américains à la recherche de bases servant la logistique d'une guerre irakienne alors imminente, tantôt sous celle des projecteurs sous-marins de scientifiques remuant ses profondeurs pour en faire ressurgir un passé littéralement diluvien, elle se révèle au grand jour. Du moins sporadiquement.

Le mythique Pont-Euxin aurait-t-il cessé de susciter les convoitises des uns et la jalousie des autres? Mère Nature l'a pourtant doté d'un positionnement géopolitique et géostratégique clé, à la croisée d'enjeux énergétiques et économiques. Entre TRACECA, oléoducs et CEMN.

Reste que l'Union européenne peine encore à y affirmer sa présence. Quant à ses pays riverains, ils savent pertinemment que d'un lieu de passage, la mer Noire est désormais devenue un espace à contourner.

Avec un passé houleux naviguant entre domination grecque, génoise, ottomane et russe, la mer Noire doit aujourd'hui voguer à contre-courant d'un flot de problèmes et d'une flotte de cargos rouillés. Mais, elle est avant tout une région charnière, particulièrement hétérogène.

Noire, cette mer serait donc davantage métisse. Avec le doux charme de rives eurasiennes. En somme, une alchimie marine de particules turques, criméennes, abkhazes ou encore balkaniques.

Démasquée, cette mer-là cachait décidément bien son jeu.