Édito

La relation entre citoyenneté et nationalité à l'Est a constitué un élément essentiel des évolutions politiques après la chute du mur de Berlin. Dans une zone où les frontières étatiques coïncident rarement avec celles des ethno-nations, la redéfinition des approches de la citoyenneté est riche d'implications pour l'Europe entière. 


Dans un monde globalisé, les visions et pratiques de la citoyenneté semblent être plus partagées aujourd'hui que jamais. Après 60 ans de construction communautaire et la fin du communisme, la majorité des Européens sont des citoyens de l'Union européenne, tandis que les Etats de l'Est post-communiste adhèrent, d'une manière ou d'une autre, à un ensemble de normes européennes et internationales sur la citoyenneté.

Néanmoins, des différences de poids persistent quant à la compréhension et à la pratique de ce statut, régulateur moderne de la relation d'un individu à un État. Des questions d'égalité, de droits, de devoirs ou encore de loyauté demeurent sources de controverses d'un pays à l'autre du continent.

Nos visions d'autrefois s'en trouvent bouleversées. L'Allemagne, longtemps caractérisée par une approche de la citoyenneté basée sur un droit du sang (ius sanguinis) quasi-exclusif, ouvre de plus en plus l'accès à son corps citoyen par la généralisation d'un droit du sol (ius soli). A l'inverse, la France, traditionnelle chantre d'une conception civique et égalitaire de la citoyenneté, s'est faite remarquer en 2010 en déportant à grand bruit des populations roms, pourtant protégées par leur statut de citoyens, notamment roumains, et européens.

Comprendre ces évolutions liées à la citoyenneté s'avère donc crucial en ce début de siècle, alors que des chocs économiques, financiers, politiques, migratoires ou encore énergétiques, redéfinissent à grande vitesse notre quotidien et notre avenir.

Dans cette perspective, ce dossier s'attache à éclairer les pratiques de la citoyenneté dans les pays de l'espace post-communiste et post-soviétique. La renégociation des identités et des loyautés y a initié une refonte parfois radicale de la relation entre individus, ou communautés, aux États qui président maintenant aux destinées de la région.

La conception de la citoyenneté doit y être comprise comme singulièrement distincte de l'idée de nationalité. Les cas d'adéquation des frontières politiques et ethno-nationales sont en effet rares dans la région, et les distorsions de politiques qui en résultent sont nombreux.

Entre droit du sol et droit du sang, entre tendances civiques et ethniques, la citoyenneté à l'Est a été utilisée comme un instrument essentiel de la transition des vingt dernières années. En fonction des cas, il s'est agit de définir un État moderne et fonctionnel, de préparer une intégration poussée dans les structures internationales et européennes, de réparer les torts du passé, d'assurer la cohérence de l'ethno-nation ou encore d'affirmer une autorité politique et une influence géopolitique.

Photographie en vignette : Eric Le Bourhis, Moscou, 2009.