Entretien avec le ministre de la Défense estonien, Andresson REELIKA

Focus sur les enjeux sécuritaires estonien.


RSE : La Russie est toujours viscéralement opposée à tout élargissement de l'OTAN, surtout s'il concerne les trois Etats baltes. Les Etats-Unis et un grand nombre de pays européens souhaitent ménager Moscou. Dans ces conditions, ne pensez-vous pas que l'adhésion des Baltes à l'Alliance atlantique ressemble plus à " un saint Graal " inaccessible plutôt qu'à une option réalisable à court ou moyen terme ?

Je vous rappelle que Moscou a toujours été opposé à l'élargissement de l'OTAN, et cela bien avant que la République tchèque, la Pologne et la Hongrie ne soient invitées à rejoindre l'Alliance atlantique. Nous espérons que les Russes se rendront compte que l'expansion de la stabilité du continent européen, consécutive à l'élargissement de l'OTAN, servira aussi leurs intérêts. Aucun Etat, à l'extérieur de l'OTAN, n'a de droit de veto sur la prochaine vague d'adhésion. Il a été récemment décidé, lors de l'adoption de la Charte paneuropéenne de sécurité, à l'occasion du Sommet de l'OSCE à Istanbul, [en octobre 1999] que chaque Etat membre de l'OSCE avait le droit inhérent d'être libre de choisir ses propres accords de sécurité, ce qui inclus naturellement les alliances militaires. L'Estonie, tout comme les autres postulants à l'Alliance atlantique, ont fait de remarquables efforts pour mettre en œuvre leur Programme National Annuel dans le cadre du MAP [Membership Action Plan] afin de pouvoir être capable d'être intéropérable avec l'Alliance dès 2002.

La Charte américano-balte au terme de laquelle les Etats-Unis déclarent adhérer à la quête des Baltes en matière de sécurité, sans pour autant leur donner des garanties sûres et concrètes, a été signée le 16 janvier 1997. Quel bilan pouvez-vous tirer de ces trois années ?

Déjà je souhaiterais vous indiquer que la Charte a été signée en 1998, et non en 1997, et que depuis, les relations américano-baltes ont toujours été placées dans son cadre. En vertu de la nouvelle approche de l'étude des relations internationales, un seul Etat n'est pas supposé donner des garanties de sécurité bilatérales à d'autres Etats.
Néanmoins, les Etats-Unis ont longtemps manifesté leur réel et profond respect pour l'indépendance et la sécurité des Etats baltes. La Charte fait explicitement référence aux valeurs communes partagées par les parties et met l'accent sur le fait que l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie sont en marche vers l'Union européenne et l'OTAN ainsi que sur le fait que l'Estonie et la Lettonie sont devenues membres à part entière de l'OMC.

Ecartée lors du premier élargissement à l'Alliance atlantique mais choisie par le Conseil européen pour faire partie de la prochaine vague des pays qui vont adhérer à l'UE, l'Estonie semble avoir accompli la première étape de sa quête de sécurité. Dans quelle mesure estimez-vous que la dimension sécuritaire de l'UE est complémentaire, ou alternative, de celle de l'OTAN ?

L'adhésion à l'UE nous aidera à assurer la stabilité politique, la prospérité économique et la justice sociale alors que l'OTAN est plus perçue comme la gardienne de la stabilité et de la sécurité dans le sens de la " hard security ". Les deux organisations ont pour nous la même importance, au regard des valeurs communes que nous partageons avec les autres pays démocratiques. Si nous ne sommes pas admis au sein de l'Alliance atlantique, nous nous sentirons lésés d'un droit légitime à la sécurité.

Par Matthieu CHILLAUD