Gdynia, de la naissance à la renaissance

Gdynia forme, avec Sopot la balnéaire et Gdansk la cité historique, une agglomération appelée communément la Triville (Trojmiasto) réunissant quelque 750.000 citoyens. La plus septentrionale et la plus jeune des cités de la Triville est née dans la Pologne redessinée sur la carte de l’Europe de l’immédiate après Première Guerre mondiale et représente tout un symbole de la Pologne d’hier, en pleine renaissance, et d’aujourd’hui, en plein développement.


Du village de 1921 qui ne comptait pas plus d’un millier d’habitants, Gdynia est devenue un des ports les plus importants du pays et une ville résolument dynamique à tout point de vue, ouverte sur l’étranger, soucieuse de sa promotion et du bien-être de ses habitants. Une nouvelle ville qui, par contraste avec Nowa Huta ou d’autres villes ouvrières imposées par le régime communiste, a toujours été perçue positivement, symbole de la Pologne libre et en reconstruction par le passé et du modernisme du pays d’aujourd’hui.

Une histoire tourmentée

Gdynia n’était jusqu’au début du 20e siècle qu’un petit village d’un millier d’habitants. La petite bourgade couchée le long de la mer Baltique a connu, à l’instar de la Pologne, une histoire bien tourmentée.


Le village de Gdynia en 1921 ©Ville de Gdynia

Jusqu’en 1308, environ Gdynia appartient à la Pologne, puis elle est conquise par l’Ordre teutonique qui la conservera sous son contrôle jusqu’en 1454. En 1466, elle revient à l’Etat polono-lituanien jusqu’en 1772, date du premier partage de la Pologne entre la Prusse, la Russie et l’Autriche. Gdynia appartient alors au Royaume de Prusse. Puis incorporera l’Empire allemand en 1870.

C’est avec le Traité de Versailles que la Pologne réapparait sur la carte de l’Europe, après 123 ans d’annihilation. La nouvelle république de Pologne dispose alors d’un petit accès sur la mer Baltique, étroite bande de terre séparant l’Allemagne de la Prusse orientale, dont la limite est la cité millénaire de Gdansk, déclarée ville libre.

Sans tarder, en 1920, est prise la décision de construire un port à l’emplacement du village de Gdynia. Il symbolise alors la soif de développement et d’ouverture de tout un pays, privé d’existence officielle pendant plus d’un siècle et doté d’ambitions économiques et politiques certaines.

La construction commence dès 1921, sous l’impulsion du ministre de l’Industrie et du Commerce, Eugeniusz Kwiatkowski et sous la houlette de l’architecte Tadeusz Wenda. Suite à quelques problèmes financiers qui ralentissent le projet, un embarcadère de 550 mètres de long, un brise-lames en bois de 175 mètres et un petit port sont en place dès 1923. La cérémonie d’inauguration de Gdynia comme port de guerre provisoire et comme abri pour les pêcheurs a lieu le 23 avril et le premier grand bateau de haute mer accoste le 13 août de la même année. Il s’agit d’un pavillon français, symbolisant le contrat qui sera signé l’année suivante avec le consortium Franco-Polonais pour la poursuite de la construction du port. Les travaux continuent donc, mais moins rapidement que les projets et surtout que les espérances portées par un enthousiasme que l’on devine sans doute démesuré en regard du contexte. Un petit port de sept mètres de profondeur, le débarcadère Sud, une partie du débarcadère Nord, une voie ferrée et l’équipement pour le transbordement sont toutefois ajoutés. C’est l’accroissement des exportations par voie maritime et la prospérité économique qui permettent d’accélérer le projet.

Ce développement économique engendre naturellement un accroissement de la population et la cité obtient les droits d’exister en tant que ville le 10 février 1926; croissances économique et démographique se nourrissent mutuellement. Les transbordements passent de 10.000 tonnes en 1924 à 2,9 millions de tonnes en 1929. Gdynia est alors le seul point de transit et port de mer spécialement conçu pour l’exportation du charbon polonais.

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le port de Gdynia revêt une dimension internationale, non seulement grâce au commerce mais également par le biais du transport de passagers. En 1930 est inaugurée la liaison Gdynia-New York. Gdynia est alors le plus grand et le plus moderne des ports de la Baltique, et se positionne parmi les dix ports les plus importants d’Europe. Les transbordements atteignent 8,7 millions de tonnes, soit 46 % du commerce extérieur polonais. En 1938, le chantier naval Gdynia commence à construire son premier bateau de haute mer, l’Olza.

Cet essor sera interrompu brutalement, avec l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. La ville, qui compte alors 120.000 habitants, est occupée par les Allemands qui la rebaptisent Gotenhafen, expulsent 50.000 de ses citoyens vers le Gouvernement général et y construisent un camp de concentration rattaché à celui de Stutthof. Le port est transformé en base navale au service de l’occupant, ce qui en fait une cible des bombardements alliés qui n’endommagent malgré tout qu’assez peu la ville. Ce sont les Allemands qui causeront le plus de dégâts à leur départ en 1945 et bloqueront l’entrée du port avec le croiseur Gneisenau. Au sortir de la guerre, la ville, comme le reste de la Pologne, passe sous le contrôle des Soviétiques.

Les années 1950 réconcilient Gdynia avec ses heures de gloire et de grandeur d’avant guerre. Malgré la rigueur du régime communiste, le port est ouvert à l’international et accueille des bateaux étrangers; les chantiers navals construisent tous types de bateaux, pour l’URSS bien sûr mais aussi la Norvège. La ville alors est résolument tournée vers ses activités principales: chantiers navals, transport de marchandises et de passagers, accueil de régates… Même les musées de la ville (Dar Pomorza et ORP Blyskawica), de véritables bateaux accostés ad-vitam eternam, célèbrent le gagne-pain de toute une ville.

Le 17 décembre 1970, les ouvriers des chantiers de Gdansk et de Gdynia se mettent en grève. Au cours des manifestations qui sont réprimées avec violence par la milice, 17 personnes perdent la vie. Il faudra attendre un deuxième mouvement de protestations ouvrier en 1980 pour qu’un employé licencié de Gdansk, un certain Lech Walesa, obtienne, entre autres, avec ses fameuses 21 revendications, un monument rendant hommage aux ouvriers tombés en décembre 1970, érigé à Gdynia.

Un des nombreux bateaux sortis des chantiers navals de Gdynia. Ce paquebot à 10 niveaux mesurant 290 m de long et pouvant accueillir 1.996 passagers, a été construit en 2005.


Tadeusz Urbaniak ©Ville de Gdynia

Gdynia aujourd’hui: bien plus qu’un port

La fin de la période communiste, les transformations économiques qui conduisent à la privatisation des chantiers navals et du port de la ville ainsi que les perspectives de rejoindre l’Union européenne ont ouvert de nouveaux horizons à la ville.

Aujourd’hui, la ville nouvelle a trouvé son équilibre entre activités portuaires et développement économique diversifié. Avec une superficie de 240 hectares, 40 môles et une longueur de 10 km, le port de Gdynia est le troisième du pays après Gdansk et Szczecin (à proximité de la frontière allemande) et le deuxième de la Baltique du point de vue de la capacité de transbordements qui ont atteint 14,2 millions de tonnes en 2006. Gdynia accueille également nombre de paquebots (89 en 2006, pour un total de 94.100 passagers transportés).

Longtemps condamnée à n’être qu’un port et une ville industrielle, Gdynia ne fait pas une fatalité de sa jeunesse ou des manques de son patrimoine historique. La ville a très rapidement cherché à diversifier ses activités aux services des investisseurs et de ses habitants. Régates, compétitions sportives, manifestations culturelles se multiplient depuis de nombreuses années, à l’initiative du maire Wojciech Szczurek, un enfant du pays, qui administre la ville depuis 1998 (il a été réélu avec 85% des voix lors des dernières élections municipales, en 2006).

Monsieur le maire manifeste un grand dynamisme, ce dont témoigne le site Internet officiel de la ville: disponibles en 7 langues, dont le danois, le suédois (une délicate attention pour les villes jumelles des pays scandinaves) et le français, ce site fait preuve d’une transparence peu commune, allant jusqu’à publier le budget de la ville. Wojciech Szczurek est soucieux de plaire tant à ses administrés qu’aux investisseurs.

Si la transition des années 1990 s’est révélée difficile, la plus jeune des cités de la Triville semble avoir trouvé son équilibre: le taux de chômage y est bas (4,5%), la population jeune et très active et le développement de la ville n’a rien à envier à celui de sa grande sœur du sud, Gdansk.

La promotion des activités culturelles et récréatives de la ville en ferait presque oublier ses origines portuaires. La cité, qui compte aujourd’hui 250.000 habitants, prend sa revanche par son dynamisme culturel: elle accueille, depuis 1987, un des principaux festivals du cinéma polonais, mais également de nombreux festivals de musique reconnus tels que Open’er Festival, Ladies’ Jazz, Gdynia Blues festival, entre autres; le Théâtre Musical y est la deuxième scène musicale polonaise… La ville se targue également d’un environnement généreux: réserves et parcs, dont certains proposant des parcours récréatifs, cernent la ville pour le plus grand plaisir des amateurs de randonnées pédestres et cyclistes.


Projet Sea Towers Le projet immobilier des deux tours Sea Towers, l’un des plus luxueux du pays, devrait voir le jour en mars 2009. ©Invest Komfort SA

Comble du développement d’une ville aux origines ouvrières, Gdynia a vu poser, le 10 mai 2006, la première pierre d’un projet immobilier de grande envergure et parmi les plus luxueux du pays: les Sea Towers, un complexe immobilier de deux tours d’appartements, de bureaux et de services, construites à quelques mètres à peine de la mer et culminant à 90 et 116 mètres (138 mètres avec antenne). Le promoteur Invest Komfort peut se vanter d’être à l’origine du plus haut bâtiment situé en dehors de Varsovie. Il devrait être inauguré fin février 2009.

Site officiel de la ville de Gdynia: www.gdynia.pl

* Virginie LITTLE est directrice des Echos de Pologne, www.echos.pl