La Silésie: passé minier, avenir incertain

Entretien avec Kazimiera Wodz, professeur en sociologie à l'Université de Silésie à Katowice (Pologne).


La réforme de l'industrie minière menée en Silésie dès 1998 avait pour but d'encourager la diminution du niveau d'emploi et l'augmentation du rendement des mines de charbon. Jusqu'à aujourd'hui, cette réforme s'est réalisée sans troubles sociaux. Peut-on parler d'un succès de cette restructuration ? Et si oui, quelles sont des raisons de cette réussite ?

Les auteurs de cette réforme répondraient différemment des mineurs et de leurs familles, qui n'ont pas pu s'adapter à la nouvelle situation. Ces premiers ont des raisons d'être satisfaits: le niveau d'extraction du charbon et ses coûts ont été diminués, les mines les moins rentables ont été fermées et la productivité du travail est en hausse. Les fonds de l'Union Européenne et les prêts de la Banque Mondiale qui ont été consacrés au financement du programme social sont considérables. Le plan social a facilité les licenciements massifs dans le secteur du charbon: entre 1998 et 2000 plus de 80 000 personnes ont quitté le secteur. Il n'est pas vrai que tout s'est passé sans troubles, les conséquences sociales de ce processus sont graves. La plupart des ex-mineurs ont choisi "les congés de mineurs". Il s'agit d'hommes dans la force de l'âge qui restent sans travail (dans certaines communes silésiennes le taux de chômage atteint 30 %), ce qui provoque des frustrations.

Qui quitte plus facilement des mines ? Les Silésiens ou les originaires des régions agricoles venus travailler en Silésie ?

Les jeunes, sans traditions familiales partent plus facilement, après avoir travaillé quelques années, ainsi que les personnes disposant d'une double formation (les électriciens, les menuisiers, etc). En ce qui concerne la population migrante, contrairement aux prévisions, il n'y a pas eu de retour massif des ex-mineurs dans leurs régions natales, à l'exception de villes comme Jastrzebie Zdroj, Wodzislaw ou Zory.

Quelle est la situation des ex-mineurs sur le marché du travail ?

Généralement très difficile. Le gouvernement de Jerzy Buzek (au pouvoir jusqu'en 2001) nous faisait croire que l'industrie automobile absorberait les anciens mineurs. Seulement 15 % des personnes embauchées par General Motors à Gliwice, travaillaient auparavant dans les mines. Le niveau de formationdes mineurs est très bas, et les mineurs de plus de 35 ans ont du mal à suivre des stages de reconversion. Avec l'arrivée des jeunes diplômés la situation sur le marché de l'emploi devient de plus en plus difficile : actuellement en Pologne, il y a trois millions de chômeurs. L'étude menée par les sociologues de l'Université de Silésie sous la direction de Marek Szczepanski sur la situation des ex-mineurs sur le marché du travail montre que quelques mois après le départ des mines, 54,4 % des mineurs avaient trouvé du travail et 35 % étaient toujours à la recherche d'un emploi stable.

Comment cette restructuration change-t-elle la structure des familles silésiennes (traditionnellement les femmes des mineurs ne travaillaient pas et les enfants étaient élevés dans le culte du travail physique) ? Les valeurs silésiennes vont-elles persister ?

Il est sûr que la famille silésienne change, mais ce processus a commencé dans les années 1970. Mes études menées auprès des mineurs dans la deuxième moitié des années 1990, ont mis en évidence que les Silésiens sont toujours attachés à ce modèle traditionnel. Mais l'acceptation du travail professionnel des femmes augmente, surtout parmi les jeunes. La notion de "valeurs silésiennes" est très large, mais par exemple, le culte du travail physique, encore très présent chez les Silésiens âgés de 40-50 ans, commence à disparaître chez les plus jeunes. L'opinion selon laquelle pour réussir professionnellement, il faut avoir des diplômes, s'étend même aux familles traditionnelles. Le nombre d'étudiants issus des familles silésiennes dans les écoles supérieures augmente lentement, mais d'une manière continue. Les Silésiens sont très attachés à leur identité culturelle, ils ont su garder leur dialecte. Mais l'économie globale affaiblit la force de tradition.

Quel est l'avenir de la Silésie ?

Je crois que les quinze prochaines années vont être difficiles, notamment avec le taux de chômage élevé. La Silésie a besoin d'aide extérieure de la part de l'Etat polonais et de l'Union européenne.

Par Katarzyna CZERNICKA
Vignette : Kazimierą Wódz (source : whystory.pl)