Les rendez-vous de l’été : ces festivals musicaux qui créent l’événement

À l’approche de l’été, les mélomanes ne savent plus où donner de l’oreille. Musique classique, traditionnelle, pop, rock ou électronique en Russie, en Ukraine, au Kazakhstan ou en Ouzbékistan, les festivals ont éclos depuis les années 1990 dans tous les coins de l’ex-URSS…


Valery GuerguievDepuis quelques temps, un phénomène curieux se produit en Crimée. Cette presqu’île, destination de prestige sous le régime soviétique, est à nouveau à la mode chez les jeunes. Ceux-ci ont pour but la République de KaZantip, « le seul pays non répertorié sur l’atlas mondial ».

Le Woodstock ukrainien

En réalité, il s’agit d’un festival de musique électronique qui a lieu, depuis une dizaine d’années, à 40 kilomètres d’Evpatoria. Il a pris de l’ampleur quand Nikita Marchounok, auto-proclamé président de la République KaZantip, l’a pris en main et lui a trouvé un «territoire». Ainsi, Russes et Ukrainiens se retrouvent chaque été sur cette plage. La dimension européenne du festival s’est intensifiée grâce aux répercussions de la révolution orange et la campagne de communication organisée par l’« ambassade » de KaZantip en Europe.

Méfiants voire réticents au début, les habitants de Popovka, le village voisin, se réjouissent aujourd’hui de cette manne. Ils ont rapidement réhabilité leurs maisons pour assurer un confort minimal aux touristes. Le propriétaire d’une grande maison gagnerait jusqu’à 10 000 dollars (environ 7 800 euros) en deux mois. Les prix de l’immobilier ont flambé : les cottages ont poussé comme des champignons sur la côte pour accueillir les étrangers, surtout des Allemands. Les serveurs des bars parlent désormais l’anglais et des distributeurs automatiques ont fait leur apparition. Pour éviter les vols, les propriétaires se sont munis de coffre-fort pour leurs hôtes et les organisateurs du festival ont mis à disposition une consigne gardée. Certains regrettent le temps où l’entrée était gratuite. Un « visa » multi-entrée coûte aujourd’hui près de 50 euros. Le chiffre d’affaire de KaZantip s’élèverait à quelques millions de dollars.

La jeunesse russe, quand elle n’est pas en Crimée, se retrouve autour d’une bouteille de bière pour écouter les concerts de jeunes groupes de rock, en plein air, à Saint-Pétersbourg au festival « Okno otkroï ! » (Ouvre la fenêtre !) ou « Nachestvie » (Invasion). Avec des billets à 300, 800 ou 3 000 roubles (9, 23 ou 90 euros), les places restent accessibles et les fans des groupes se produisant se ruent sur l’événement, même s’il a lieu à 200 km de Moscou, dans la région de Riazan.

Résonances en Asie Centrale

Rien à voir avec Sukhavieï, le festival punk et rock alternatif qui se tient chaque été au Kazakhstan, dans la vile d’Aktobe. Non commercial et indépendant, il a été fondé en 2001 par Ermen Erjanov, musicien du groupe Adaptatsia. Il rassemble des artistes originaires de 12 Etats de la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Les spectateurs viennent de tout le pays pour écouter ces voix libres et contestataires, en marge de la musique commerciale.

Dans un autre genre, à quelques milliers de kilomètres au nord-est, en Sibérie orientale russe, a lieu le Festival International de musique et de croyances Ustuu-Khuree, d’après le nom du monastère de Tchadan, détruit dans les années 1930. Y participent plus de 300 musiciens du monde entier (dont la France) et de tous styles, musique classique, jazz, folk, rock, mais aussi et surtout traditionnelle. Les moines bouddhistes, qui ont réinvesti les lieux depuis la fin de l’URSS, accompagnent le festival de rites cultuels.

Avec les recettes, les organisateurs souhaiteraient pouvoir reconstruire le temple bouddhiste dont il ne reste que des ruines. Un projet existe depuis 1973, des fonds fédéraux à hauteur de un million de roubles ont été alloués ces dernières années, sans parvenir à leur but… Il y a deux ans, le gouvernement de la République de Touva a promis de prendre en charge une partie des travaux. Car à 30 roubles (moins de un euro) maximum l’entrée, le festival a tout juste de quoi payer les infrastructures.

Redescendons au sud, du côté de l’Ouzbékistan. A Tachkent, un compositeur, Ianov Ianovsky, a mis en place au début des années 1990 Ilkhom XX, le seul festival d’Asie centrale consacré à la musique contemporaine. Un pari risqué à une époque où le public ouzbek découvrait à peine la musique de la seconde moitié du 20ème siècle. Les concerts ont donc deux objectifs : faire connaître les compositeurs « classiques » du siècle dernier ainsi que les nouvelles créations mondiales. Avec les années, le nombre de spectateurs augmente. En 2005, le festival a quitté la salle du Théâtre Ilkhom (150 places) pour occuper celle du Conservatoire National d’Ouzbékistan qui peut accueillir 550 personnes.

Festival européen

A Saint-Pétersbourg, Valery Guerguiev, directeur artistique du Théâtre Mariinski, n’a pas ce souci de popularité. Son festival international Les étoiles des nuits blanches existe depuis 1993 et rencontre un succès indiscutable. Le programme, riche et varié, permet au public d’écouter de grands interprètes russes et étrangers comme Renée Fleming ou René Pape, mais aussi de jeunes artistes sortis du prestigieux conservatoire de la ville.

Cette année le festival est consacré au 100ème anniversaire de la naissance de Dmitri Chostakovitch. L’Orchestre symphonique de Londres se joint à celui du Mariinski pour interpréter les 15 symphonies du compositeur, dirigées, entre autres, par son fils, Maxime Chostakovitch.
En un mois et demi (du 10 mai au 19 juillet 2006) les Pétersbourgeois et leurs voisins baltes et finlandais auront pu assister à plus de 100 concerts, opéras et ballets.

Derrière ce mastodonte, de multiples festivals de plus petite taille s’organisent dans les parcs et jardins des anciennes résidences impériales, autour de Moscou, de Saint-Pétersbourg et dans les principales villes de province. Ainsi, personne n’est épargné par la fureur musicale pendant l’été !

Par Géraldine PAVLOV

* Vignette : © Valery Guerguiev, directeur artisitique du Théâtre Mariinski.

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