Risques de l’implantation à l’Est pour les entreprises françaises

Au début du mois de décembre 2006, une délégation de 14 sociétés et banques françaises accompagnait l’Ambassadeur de France en Russie, en visite à Rostov, dans la circonscription fédérale du Sud. Si les petites entreprises semblent encore hésiter à conquérir le marché des pays de l’Est, l’attrait des grands groupes pour ce marché paraît indéniable.


Pourtant, les risques liés aux investissements français y sont nombreux, et de nature très différente. Afin d’établir une stratégie pour contrer ces multiples risques et d’appréhender la complexité du marché économique, de l’environnement politique et social de la Russie, de plus en plus d’entrepreneurs français font appel à des sociétés d’intelligence économique : lutter contre les risques stratégiques, tactiques et financiers en amont pour assurer un développement cohérent sur le terrain, tel est l’objectif de ces sociétés.

Le recours aux sociétés d’intelligence économique pour des problématiques liées au marché des pays de l’Est est axé autour de deux thématiques distinctes. Les entreprises françaises pourront d’abord faire appel à de telles sociétés pour acquérir une connaissance du marché de façon à se positionner de la manière la plus judicieuse possible. Elles pourront également y faire appel pour lutter contre les risques inhérents au marché russe.

Corruption et pesanteur bureaucratique

Les dernières études effectuées par la fondation Indem font part d’une augmentation croissante des pratiques de corruption en Russie. Au cours de la période 2001-2005, la corruption dans les milieux d'affaires russes s'est accrue, et serait à multiplier par 13. Le développement de ces pratiques est un risque potentiel pour les entreprises françaises souhaitant s’installer en Russie.

Les déboires rencontrés par Ruskon, première PME française agroalimentaire installée en Russie, démontrent les risques liés à la pénétration du marché russe. Malgré le soutien du géant Nestlé, le parcours de cette PME a connu quelques déconvenues. Un premier partenaire russe lui a fait faux bond après avoir promis financement et site d'implantation, puis l’administration locale s’est montrée particulièrement pesante : 75 autorisations nécessaires, des homologations, des études nationales et régionales d'impact sur l'environnement ont été requises, chacune de ces procédures reposant généralement sur le principe de la démultiplication. La lourdeur bureaucratique se révèle ainsi être un facteur supplémentaire de découragement à l’implantation, d’où la nécessité de recourir à des sociétés qui en connaissent le mode d’emploi.

Contrefaçon

Par ailleurs, le risque de fraudes et contrefaçons reste majeur en Russie. Si le marché du commerce de détail (médicaments, cosmétiques, produits audio visuels) a connu un développement considérable ces cinq dernières années, il a également souffert le plus des activités de contrefaçon. A titre d’illustration, une entreprise pharmaceutique a à faire face à deux types de risque : une contrefaçon du packaging du médicament qui révèlera une fraude interne à l’entreprise, alors qu’une contrefaçon du produit lui-même entraînera le risque d’une production illégale certaine. Un des risques de l’implantation d’entreprises françaises en Russie est donc, de façon plus générale, la mise en place de circuits de distribution parallèles tendant à plomber les activités dans ce secteur.

Choix stratégique du partenaire local

Les deux risques majeurs pour les entreprises françaises souhaitant s’installer en Russie sont liés au choix du partenaire, et l’analyse du circuit décisionnel et des réseaux en place.

Le choix du partenaire, au-delà de la difficulté à l’évaluer, peut avoir pour les entreprises françaises des conséquences dramatiques. A titre d’exemple, citons le cas de cette entreprise française de taille moyenne voulant développer ses activités en Russie, dans le secteur de l’agroalimentaire. Pour cela, elle a pris contact avec un Russe vivant en France connaissant la législation russe et le secteur. Après quelques mois de collaboration, l’entreprise s’est rendue compte que son intermédiaire utilisait son image pour obtenir des visas pour des filles russes, détournait des fonds et vendait d’autres biens que ceux proposés par la société.

Une mauvaise connaissance du partenaire peut donc avoir un impact conséquent pour l’entrepreneur, impact influant, dans le meilleur des cas, sur l’image de l’entrepreneur, mais pouvant également avoir des conséquences judiciaires et financières importantes, allant jusqu’au détournement des moyens de l’entreprise.

La méconnaissance des réseaux d’influence locaux, des circuits décisionnels et des acteurs influents au niveau régional peut être problématique pour des entrepreneurs français voulant s’installer en Russie.

Le recours aux sociétés d’intelligence économique pour une implantation sur les marchés des pays de l’Est se réalise essentiellement autour de deux axes : une aide au management et à la décision, qui permet d’identifier des opportunités sur l’environnement, des investigations ponctuelles sur des thématiques définies avec l’entreprise (gestion de crise, soutien à l’action judiciaire…)

Accompagnement des entreprises

Les attentes des entreprises françaises en matière d’intelligence économique se situent ainsi sur deux terrains : un volet prospectif, visant à évaluer le potentiel d’une éventuelle implantation à l’Est, et un volet investigation pure prenant en compte les caractéristiques du marché russe mentionnées dans cet article.

Si l’attrait des entreprises pour le marché des pays de l’Est se concentrait jusqu’à présent surtout sur la partie occidentale de la Russie (notamment le Sud) et quelques pays d’Europe orientale tels que la Bulgarie ou les pays Baltes, il semble que les entrepreneurs s’intéressent désormais avec attention au marché des pays d’Asie Centrale. Dans une période de forte croissance économique et d’intensification des dialogues bilatéraux, ces pays assis sur d’immenses ressources pétrolières, minières et agricoles, et dont le désenclavement est en cours de réalisation, ne resteront sans doute plus longtemps dans l’ombre. Les entreprises françaises ont l’occasion d’acquérir une position plus forte sur ce marché d’ores et déjà fort convoité.

 

* Alice RENAUX est consultante Geos