Valentin Yudashkin fait renaître « l’âme russe »

Valentin est fier d'être russe. Le couturier l'explique dans son communiqué de presse : " je suis terriblement russe. Dans mes créations, je cherche toujours à faire briller la beauté de la culture russe, de l'âme russe ".


Valentin Yudashkin en 1999. Valentin Yudashkin in 1999Après avoir rendu hommage à Catherine la Grande et à Fabergé, Yudashkin continue de revendiquer la grandeur de sa Russie natale avec une collection automne-hiver 1999-2000 inspirée du peintre symboliste Vroubel. Les verts sont profonds, les fuchsias éclatants, et les rouges endiablés. Ses robes de bal façon XVIIe sont ravissantes, somptueuses. C'est avec un grand art que Yudashkin n'essaie pas de renouveler le passé, mais de le préserver.

Faire briller l'âme et la culture russes

Yudashkin est né en 1963 près de Moscou. Il s'intéresse rapidement à la mode : dès la fin de ses études, il présente sa première collection, en 1987. Quatre ans plus tard, il se lance dans la haute couture à Paris : ses collections portent toutes des noms aussi magiques les uns que les autres : "Fabergé"(1991), "Musique" (1992), "Nature Morte" (1993), "Fresques" (1994), "la Grande Catherine"(1994) ou encore "les Oiseaux de Paradis"(1996)."Ma collection "Ballet" (1995) est inspirée de la musique de Tchaïkovski, Rakhmaninov, Glinka". Son style, le créateur le définit lui-même : "La singularité de mon style est le résultat de longues études sur le costume russe, sur son histoire et ses richissimes traditions. J'imagine la Renaissance de la mode russe au début du siècle prochain. Nous devons nous y préparer avec force et audace". La collection automne-hiver 1997-98 de la maison de couture Valentin Yudashkin était un hommage à la grande actrice russe du cinéma muet Vera Holodna. D'ailleurs, les draperies complexes, les corsets très richement brodés et les jupes, dont les traînes de 150 mètres étaient cousues dans du tulle de soie, rappelaient autant les vêtements des courtisans à l'époque baroque que le style de l'actrice à qui était dédiée la collection. La grande utilisation dans la gamme des couleurs du noir et du blanc devait très certainement évoquer les films en noir et blanc du cinéma d'antan, et les froides nuances de vert, de beige, bleu pâle et lilas ne pouvaient pas mieux refléter le nom et la personnalité de la première étoile du cinéma russe. "Le pays tout entier ressort de mes collections", précise Yudashkin. "Tout a été accompli grâce aux techniques les plus élaborées. Nous avons utilisé du satin aussi : tous les vêtements ont été réalisés de manière extrêmement précise, car on ne pouvait coudre la matière qu'une seule fois. Cette collection est bien plus imposante que les autres par sa complexité". Beaucoup de jerseys, de soie et de velours ont été utilisés à la base du linge pour l'élaboration de cette collection.

"Chaque apparition sur le podium est un nouveau défi"

"Quand je termine une collection, mes sentiments sont contradictoires : malgré mes convictions, tout mon travail et mes efforts, je la déteste. J'ai l'impression que tout n'a pas été créé de la manière dont je l'avais souhaitée. Les accessoires des collections sont préparés dans différents pays, en France, en Espagne… et c'est pourquoi je découvre la collection dans son ensemble seulement le jour du défilé. Et c'est quand je vois l'enthousiasme du public que je me rends compte à quel point la nouvelle collection est réussie".Les couturiers russes, selon lui, devraient exprimer bien plus courageusement leurs idées et leur personnalité. "J'en apprends un peu plus chaque jour", dit-il ; "un artiste "mort" est celui qui affirme déjà tout savoir". Pour Yudashkin, chaque apparition sur le podium est un nouveau défi. Et quand finalement il sent avoir conquis le public, il se dit qu'il vaudrait mieux ne plus avoir à sortir sur la scène, par peur de ne pouvoir faire mieux à chaque fois.Valentin Yudashkin a reçu en 1997, lors de la semaine de la haute couture à Moscou, la suprême récompense consacrant son talent : le mannequin d'or.

Une grande renommée locale et internationale

Valentin Yudashkin a ouvert sa maison de couture à Moscou en 1993. Sa clientèle compte non seulement des vedettes du théâtre et de la musique mais aussi les épouses de riches hommes d'affaires. L'opulence caractérise le style Yudashkin, qu'il s'agisse des tissus ou des ornementations. Un esprit "couture" aux antipodes de l'austérité.Robe ajustée en soie rehaussée de paillettes, tailleur-jupe composé d'une veste en brocart brodé de jais et d'une jupe trapèze en organza. Pour le soir, le couturier coupe de longues robes à la taille étroite, brode les bustiers et fait plonger les décolletés. Yudashkin a également créé les uniformes de l'Aéroflot[1] et ceux portés par l'équipe russe aux Jeux d'Atlanta.Membre correspondant de la Chambre Syndicale de Couture parisienne depuis 1996, Yudashkin poursuit une carrière internationale entre Paris et Moscou : "Je suis russe mais la capitale de la mode, c'est Paris. [...]. A mon avis, créer des collections de haute couture et ne pas les présenter à Paris, ce serait comme peindre des toiles et les garder dans son atelier".Plusieurs des plus anciennes maisons de couture françaises invitent des couturiers étrangers afin de renouveler la haute couture. Le style de la vieille école française est indétrônable, précise cependant Yudashkin. Même si toutes les maisons ont le devoir de se renouveler.

[1] Compagnie aérienne russe.

 

* Article écrit par Sophie SCHMIDT