Quelle est votre analyse du conflit ?
L'enjeu de ce conflit est avant tout l'équilibre européen. Milosevic que l'on peut qualifier de nouveau Pol Pot a réagi contre les bombardements en détruisant le Kosova, agissant ainsi contre la population albanaise. Pour la première fois de son histoire, l'Alliance atlantique a adopté une position offensive; elle doit mener maintenant une intervention terrestre jusqu'à Belgrade. Milosevic doit capituler sans condition. Si le dictateur ne capitule pas, la paix et la stabilité du continent seront à la merci de produits comme lui, produits qui n'ont pas manqué dans notre histoire. La question est plus large que le simple problème du Kosova.
Comment ressentez-vous le conflit présent et à venir ?
D'après moi, le conflit va être long; seule une offensive terrestre peut y mettre fin. Dans le cas contraire, la résistance ressemblera à celle de Saddam. Milosevic, ce Pol Pot, restera aussi virulent et maintiendra cette péninsule dans une instabilité permanente. Il survit grâce aux guerres et aux crises qu'il provoque. Sept ou huit ans auparavant, j'ai lancé un appel pour détruire la machine de guerre de Milosevic. Je réitère aujourd'hui cet appel pour aller au coeur de Belgrade et le faire capituler.
Peut-on pour autant mettre en accusation la totalité de la population serbe ?
La société serbe est une société nationaliste et communiste; elle est définitivement responsable. La dictature représente par définition une société militaire où l'hypocrisie sociale favorise le développement de ce type d'excès. La société serbe n'est pas une société libre appuyée sur des valeurs occidentales. J'apprécie les Serbes en tant que nation mais la réalité des faits est éloquente...
Quelle attitude doit-on adopter face à la Serbie ?
Priver la Serbie de son chef sera suffisant pour la sauver. La chute de Milosevic serait la libération des Serbes. Il faut respecter les aspirations et les sacrifices de tous ceux qui ont voté, qui se battent et qui meurent pour un Kosova indépendant. Je suis pour l'indépendance du Kosova.
Comment voyez-vous l'intervention au Kosova et quel rôle doit y jouer l'UCK ?
L'UCK ne doit pas marcher sur Belgrade mais sur Prishtina. Elle est le bras armé allié de l'OTAN et apporte un complément aux frappes aériennes de l'Alliance. S'il existe bien un fait accompli, c'est celui de l'alliance morale qui unit ces deux forces, même si aucun accord n'a été signé. Toutes deux affrontent un ennemi commun et courent les mêmes risques, toutes deux défendent les mêmes valeurs bien que l'OTAN ne vise pas l'indépendance du Kosova.
Photo : © François GREMY
Interview réalisée par François GREMY, Geoffroy LAUBY, François VILALDACH et Bertrand WERT