Par Stéphan Altasserre (sources : Judicials Reports, Mediapool, INews )
En Bulgarie, un grand nombre de collaborateurs et d’agents des anciens services de renseignement de l’époque socialiste ont retrouvé une place stratégique dans la vie politique et les affaires de la période postcommuniste, ce qui génère encore actuellement quelques tensions au sein de la société civile. Aussi, tout sujet d’actualité lié aux services bulgares de renseignement demeure sensible.
Le 4 avril 2017, le Procureur général Sotir Tsatsarov a reçu un rapport portant sur les autorisations irrégulières de techniques spéciales d’enquête en matière de renseignement (principalement des interceptions de sécurité opérées sur des lignes téléphoniques ou sur des échanges électroniques) entre 2009 et 2016. Ce document a été établi par le Tribunal municipal de Sofia (SGS).
Il révèle un grand nombre de violations de la loi modifiant la Loi sur les moyens spéciaux de renseignement (du 22 octobre 2009, parue au Journal officiel du 6 novembre 2009). Elles s’expliquent en partie par la non conservation d’une copie de la demande d’utilisation de techniques spéciales de renseignement après le 4 février 2015, date à partir de laquelle l’archivage de ces documents classifiés est devenu obligatoire.
Le rapport constate également d’autres manquements, notamment des rubriques du registre spécial qui n’ont pas été complétées. Il a été observé que le nom du juge autorisant certaines interceptions de correspondances électroniques ou que celui du service chargé du dossier ne figurait pas toujours sur ce document d’enregistrement.
De plus, le nombre d’autorisations de recours à ces techniques spéciales s’avère très élevé à partir de 2009, sous le mandat Vladimira Yaneva (2011-2015), l’ancien président du Tribunal municipal de Sofia. Cet élément est d’autant plus inquiétant qu’à peine 10% des recours effectifs à ces techniques apportent des éléments de preuve judiciaires.
Il est toutefois à noter que Vladimira Yaneva avait pris conscience que cette recrudescence du nombre d’autorisations pouvait être mal perçue par le public en raison de sa «sensibilité particulière»: dès 2012, elle avait écrit au ministre de l’Intérieur Tsvetan Tsvetanov afin de tenter de réduire le nombre de ces demandes de recours aux techniques spéciales.
Les juges bulgares sont divisés sur ce rapport. D’ailleurs, à la fin du mois d’avril, dans une lettre adressée au Conseil judiciaire suprême de la République de Bulgarie, l’«Union des juges en Bulgarie» insiste sur le fait que les conclusions du rapport du Tribunal municipal de Sofia portant sur «les mauvaises pratiques du tribunal de Sofia», après vérification, ne semblent pas suffisamment solides pour mettre en cause la responsabilité de la direction de la Cour.
Toutefois, et quoi qu’affirment les juges, les suspicions sur le maintien de pratiques peu scrupuleuses en matière de techniques spéciales renforcent la défiance désormais chronique d’une partie importante de la population à l’égard des services de sécurité du pays.