Par Daniela Heimerl (sources : Balkan Insight, Neue Zürcher Zeitung)
Le mécontentement des Croates face à la situation économique du pays a profité à l’opposition politique. Le 11 janvier 2015, à l’issue du second tour du scrutin présidentiel, la candidate conservatrice Kolinda Grabar-Kitarović (Union démocratique croate, HDZ) a été élue à la tête du pays au détriment du Président social-démocrate sortant Ivo Josipović qui était soutenu par la coalition de centre-gauche au pouvoir. Déjouant les pronostics, l’ancienne ministre des Affaires étrangères (2005-2008), est la première femme dans les Balkans à être élue Présidente au suffrage universel.
Le succès de K.Grabar-Kitarović est un camouflet pour le gouvernement actuel qui n’a pas réussi à redresser l’économie du pays. Le PIB de la Croatie (membre de l’Union européenne depuis 2013) a diminué de 12% depuis 2008. La dette publique s’élève à 80% du PIB et le taux de chômage atteint 20%. La courte victoire (50,03% contre 49,26%, soit une différence de 32.000 voix) de la candidate du HDZ, cependant, constitue plus un rejet de la politique du gouvernement de Zoran Milanović qu’un désaveu d’I.Josipović. Dans ce scrutin où chaque vote comptait, K.Grabar-Kitarović a réussi à rassembler celui de la diaspora croate (Australie, Autriche, Canada, États-Unis, Allemagne, Suisse) avec 91% des voix (soit 33.737 voix). En Bosnie-Herzégovine, elle a été plébiscitée par 94% des électeurs croates. Au contraire, les Croates de Serbie ont majoritairement voté en faveur d’I.Josipović (54%, soit un total de 255 voix).
D’après la Constitution, le Président croate ne dispose que de pouvoirs limités.
Autorité morale, le Président sortant s’était activement engagé en faveur de la réconciliation entre les différentes communautés en Croatie même et dans les Balkans. Il a largement critiqué le HDZ qui avait perdu les élections législatives en 2011 en raison notamment de son niveau de corruption: en mars 2014, l’ex-Premier ministre conservateur Ivo Sanader a d’ailleurs été, pour la deuxième fois, condamné à une peine de prison.
Malgré le revers électoral qu’il vient de subir, le capital politique d’I.Josipović ne semble pas épuisé. Il pourrait d’ailleurs se positionner comme challenger de Z.Milanović au sein du SDP (Parti social-démocrate) lors des élections législatives qui seront organisées en 2015.
La gagnante a, elle, d’ores et déjà promis que la Croatie «sera un pays prospère et riche, un des pays les plus développés de l’Union européenne et du monde». Le président du HDZ Tomislav Karamarko a affirmé quant à lui qu’elle marchera dans les traces de Franjo Tuđman, premier Président, très controversé, de la Croatie indépendante.