Par Edouard Tallet (sources : Balkan Insight, Balkan Investigative Reporting Network, Eurotopics,)
À mesure que les Hongrois ont commencé à ériger leur clôture à la frontière avec la Serbie, les Croates ont commencé, eux, à envisager que les migrants, forcés de contourner ces territoires, passent par l’est de leur pays afin d’accéder à l’espace Schengen. Jusque-là assez marginale sur la «route des Balkans» massivement empruntée par les réfugiés en provenance du Moyen-Orient, la Croatie s’est donc préparée à l’idée de devoir gérer un afflux de population. En effet, elle est dotée à la fois de la plus longue frontière extérieure de toute l’Union européenne (avec le Monténégro, la Bosnie et Herzégovine et la Serbie), ainsi que d’une frontière intérieure de l’UE (avec la Slovénie et la Hongrie)
En août, les autorités déclaraient d’ailleurs qu’elles disposaient des infrastructures nécessaires pour accueillir des réfugiés: il s’agit essentiellement de bâtiments désaffectés de l’armée et de complexes hôteliers situés sur la côte, vides faute d’avoir pu résoudre la question de leur propriété. Sans s’être doté officiellement d’une stratégie, Zagreb envisageait bien que la Croatie puisse devenir une alternative possible à la route traditionnelle et souhaitait être en mesure de réagir rapidement. À la fin du mois, tout était en place pour accueillir, dans un premier temps, les 747 réfugiés provenant de Syrie et d’Erythrée qui, via la Grèce et l’Italie, devaient être dirigés vers la Croatie sur décision de la Commission européenne: ils ont été dans un premier temps installés dans les centres de rétention de Zagreb et de Kutina. Depuis le début de l’année, 720 demandes de naturalisation ont été enregistrées dans le pays, dont 40 seulement satisfaites.
Les décisions récentes de l’UE changent quelque peu la donne puisque le pays envisage désormais de recevoir 3.200 réfugiés aux termes du plan européen de quotas. Lorsque cette question avait été évoquée par Bruxelles en mai 2015, il était question de 1.062 migrants seulement. Pourtant, d’après Drago Župarić-Iljić de l’Institut pour les études migratoires et ethniques, cet afflux pourra être géré sans trop de difficultés, parce que le ministère croate de l’Intérieur, la Croix rouge et d’autres organisations ont préparé depuis des mois un plan envisageant de tels chiffres. Matériellement, ce sont près de 10.000 personnes qui pourraient être logées provisoirement. En revanche, la question se pose de la suite du processus, si les nouveaux arrivants décidaient de rester et qu’il faille développer une politique d’intégration, comprenant des cours de langue, une aide à la recherche d’emploi et à des logements pérennes.
Le Premier ministre croate, Zoran Milanović, lui, a été très clair: «Ils viennent parce qu’ils sont persécutés et pauvres et qu’ils veulent avoir droit à une vie meilleure. C’est à nous de les aider autant que nous pouvons. Je crois que nous devons leur donner l’opportunité de travailler, de créer, de payer des impôts, de contribuer à la vie puisqu’il est presque sûr qu’ils ne pourront pas rentrer chez eux.»