D #40 : Edito

"Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible." Ces propos, tenus il y a quelques mois par le dirigeant de la chaîne privée de télévision française TF1, Patrick Le Lay, ont eu à l'époque l'effet d'une bombe.

Pourtant, rien ne sert de se voiler la face. La phrase est cynique, mais réaliste : dans un contexte de libéralisation à tout-va et de crise économique aiguë, les médias, quels qu'ils soient, sont quasi-totalement dépendants de la publicité. D'où, pour la télévision, une course effrénée à l'audimat, et la recherche du profit immédiat via notamment des émissions de télé-réalité controversées. Dans le domaine de la presse écrite, le climat n'est guère plus brillant. Loin de chercher à informer et à tirer le lecteur vers le haut, les journaux préfèrent titrer sur ce qui pourra "vendre"… au risque, à terme, de dégoûter ce même lecteur.

C'est dans ce contexte que les médias - presse écrite, radio, télévision - des pays issus de l'ancien bloc soviétique doivent évoluer aujourd'hui. Passant sans transition d'un monde où primait l'information "unique", celle du Parti, à un univers de "chaos informati", les journalistes ont dû apprendre, pendant les années 1990, à s'adapter. Chose peu aisée, lorsque l'on n'a jamais eu de formation appropriée. D'aucuns les voyaient comme des chevaliers de la démocratie, détenteurs du " quatrième pouvoir ", promoteurs de la société civile et voix de l'opinion publique. Las ! bien souvent, la réalité ne s'est pas montrée à la hauteur des espérances. Les intimidations ont encore cours dans certaines contrées, et pas uniquement en Russie, qui est le pays le plus stigmatisé à cet égard, et pour cause. Autre phénomène bien répandu en Europe centrale et orientale : la collusion entre journalistes et personnalités politiques, avides en stratégies de communication.

Mais gardons-nous d'être trop pessimiste. Ca et là, quelques initiatives redonnent du baume au cœur: en Ukraine, Kanal 5 a joué un rôle prépondérant dans la révolution orange. Au Kirghizistan, certains journalistes veulent croire à un renouveau depuis la démission d'Askar Akaïev. Il faut donc sans doute patienter encore un peu.

En attendant, Regard sur l'Est a voulu dresser un bilan à mi-parcours de l'évolution des médias à l'Est, en se posant quelques questions : en quoi se distinguent-ils de ceux de l'Ouest? Cherchent-ils à les imiter ? Y a-t-il une diversité du paysage médiatique dans ces pays ?