Le 15 février 2008, à l’issue du deuxième tour du scrutin, le Président sortant Vaclav Klaus a vu son mandat prolongé pour les cinq années à venir. La «farce politique», qui a mis à l’épreuve la coalition gouvernementale ainsi que la cohésion interne des partis, s’est enfin terminée. La victoire de Vaclav Klaus n’a rien d’étonnant; le résultat serré (141 voix contre 111 pour Jan Svejnar, son unique adversaire) montre cependant que Jan Svejnar a réussi son entrée sur la scène politique tchèque.
Quel bilan peut-on tirer du scrutin? «L’élection a été un affrontement sur l’interprétation de toute la période de l’après-novembre [1989]», considère Vaclav Klaus. Fondateur et ancien chef du Parti civique démocrate, il veut proposer pour la période 2008-2013 la «continuité avec des rectifications». Il n’y aura donc pas de changements révolutionnaires. En revanche, on peut se poser des questions sur l’attitude du chef de l’Etat, connu pour son euroscepticisme, quant à l’avenir européen du pays.
Les Tchèques ainsi que les médias étrangers ont condamné la farce politique qui s’est déroulée au Château de Prague. Le quotidien slovaque Sme l’a même qualifiée de «farce de l’année, où l’attention s’est tournée non pas vers les candidats Vaclav Klaus et Jan Svejnar, mais vers les députés et les sénateurs». En effet, plusieurs combines politiques ont, une nouvelle fois, sapé l’efficacité de la démocratie représentative.
Un scrutin marqué par des blocages et des accusations de corruption
Pendant les deux tours, espacés d’une semaine, tous les partis politiques ont vécu des moments de crise ou d’échec. Rappelons les plus importants: le Parti civique démocrate a été pris au dépourvu par le choix du vote public, grande différence par rapport à 2003 où les députés et sénateurs avaient voté à bulletin secret. Ce type de vote aurait permis aux éventuels «traîtres», électeurs ne respectant pas les directives de leur parti, de passer inaperçus. Le vote à bulletin public devait donc permettre d’éviter toute tentative d’achat de voix dans le camp adverse.
Au deuxième tour, la question de la corruption a ressurgi. Evzen Snitily, député du Parti social-démocrate qui avait choisi de soutenir Jan Svejnar, n’a pas respecté les instructions de son parti et a voté pour Vaclav Klaus. Accusé de trahison, il a dû jurer sur la vie de ses enfants ne pas avoir reçu de pot-de-vin!
Le Parti des Verts, récemment entré au Parlement, a également subi un revers: lors de l’élection décisive du deuxième tour, une de ses députés ne s’est pas présentée. Son absence a renforcé les rangs des électeurs de Vaclav Klaus.
En raison de ces magouilles, les revendications en faveur d’un suffrage universel direct se font de plus en plus entendre. Mais les politologues restent sceptiques. «Etant donné l’horrible spectacle, tous les partis politiques jurent sur leur âme qu’ils veulent mettre en place le suffrage direct. (…) Mais tout restera probablement bloqué par des questions techniques qui cacheront les vraies raisons: ils seraient privés des marchandages dans les coulisses», estime Jiri Pehe, chercheur et directeur de la New York University of Prague.
L’entrée de Jan Svejnar dans la vie politique tchèque
Compte tenu du score élevé de l’adversaire du Président sortant, le scrutin a donné le signal du départ pour préparer l’«après-Klaus». Jan Svejnar a déclaré que «cette expérience [lui] a donné le courage de continuer» mais il ne sait pas encore de quelle manière. On cherche déjà une place pour lui au Sénat ou au gouvernement et, pourquoi pas, au Château en 2013.
Un Président partisan
Comment Vaclav Klaus voudra-t-il inscrire son nom dans l’histoire pendant son deuxième mandat? Malgré sa promesse post-électorale d’être le Président de tous, il défendra sans doute une ligne politique proche de sa formation, le Parti civique démocrate. «Il a toujours été très fier d’avoir créé le parti de droite le plus fort, et revendique cette appartenance. (…) Il profitera de son deuxième mandat pour y mettre de l’ordre», estime Jiri Pehe. Les politologues considèrent qu’en politique intérieure, Vaclav Klaus a déjà atteint tous ses objectifs. Il devrait donc s’efforcer désormais de «graver son nom dans l’histoire mondiale».
L’Union européenne sous la présidence d’un eurosceptique
La période 2008-2013 sera décisive pour l’évolution européenne de la République tchèque. Lors du premier semestre de 2009, elle assurera la présidence de l’UE et devra fixer la date d’adoption de l’euro.
L’euroscepticisme de Vaclav Klaus, va-t-il influencer cette évolution? «On ne peut pas imaginer que Vaclav Klaus boycottera la politique tchèque pendant [les] six mois [de la présidence tchèque de l’UE] mais il profitera sans doute de l’attention de l’Europe entière pour placer un bon mot piquant», estime Lubos Krec. Les analystes tchèques s’accordent à dire que l’euroscepticisme du Président est un moyen de s’attirer la sympathie de la population: Vaclav Klaus montre ainsi sa volonté de défendre les intérêts nationaux.
Néanmoins, au Parlement européen, certains estiment que la République tchèque aurait sans doute une image plus positive avec une personnalité plus européiste à sa tête: «Vaclav Klaus est un homme politique du passé. C’est le seul chef d’Etat aussi hostile à l’Europe», a déclaré l’eurodéputé allemand Jo Leinen.
La République tchèque, «frère pauvre» de la Slovaquie?
Avant 2013, le cercle des pays n’ayant pas encore adopté l’euro se rétrécira: les Slovaques, appelés jadis les «frères pauvres des Tchèques», rejoindront la zone euro en 2009. Or, Vaclav Klaus prévoit l’adoption de l’euro au plus tôt en 2014. Cette question est une grande inconnue du mandat présidentiel mais il est clair que le chef de l’Etat a toutes les cartes en main. La décision d’adopter la monnaie commune sera prise par le gouvernement, où son parti a la majorité. De plus, le Président nommera les membres de la Banque nationale tchèque, qui ont une voix consultative sur cette question. L’intégration économique de la République tchèque pourrait donc être considérablement retardée.
Vers les élections de 2013
Contrairement au scrutin qui vient de se dérouler, qualifié de «recherche de l’anti-Klaus»[1], la période 2008-2013 sera celle de la recherche de son successeur. Le Président appelle déjà à ce que celui-ci soit désigné au sein du Parti civique démocrate; les autres partis font de même.
Vaclav Klaus a déjà laissé entendre qu’il s’opposerait à tout candidat issu du même courant que Jan Svejnar, qui incarne pour lui «ceux qui remettent en question l’évolution de notre pays depuis le 17 novembre 1989 [manifestation des étudiants symbolisant le début de la Révolution de velours]». Le scrutin de 2013 sera donc celui qui tranchera entre continuité et rupture.
[1] Voir, du même auteur, «Election présidentielle en République tchèque: à la recherche de l’anti-Klaus», Regard sur l’Est, 1er février 2008, http://www.regard-est.com/home/breve_contenu.php?id=808
* Zuzana Loubet del Bayle est diplômée d’histoire et de relations internationales.
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