Estonie : la Présidente déclare inconstitutionnel le projet de réforme des retraites

La Présidente estonienne, Kersti Kaljulaid, a refusé le 7 février 2020 de proclamer le projet de loi sur la réforme des retraites par capitalisation obligatoire, et l’a renvoyé au Parlement. Celui-ci avait adopté le texte le 29 janvier, après des heures de délibération (56 voix pour, 45 contre) et après avoir lié le vote à une possible motion de censure pour éviter toute tentative de blocage de la part de l’opposition.

Aux termes du projet, l’adhésion au second pilier des pensions de retraite se ferait sur une base volontaire. Les salariés seraient donc autorisés à retirer une partie de l’épargne qu’ils y auraient accumulée, avant de prendre leur retraite. Il leur suffirait pour cela de déposer une demande auprès de leur banque ou de leur centre de pensions.

La chef de l’État a précisé que, pour des raisons politiques évidentes, elle n’opposerait pas son veto à ce projet (« Ce que je pense de la réforme est sans conséquence ») mais que, d’un point de vue constitutionnel, il lui semblait de son devoir de renvoyer ce projet devant le Riigikogu, pour des raisons d’infraction évidente à la Loi suprême : la loi permettrait en effet d’une part aux citoyens de retirer une sommes équivalente à 2 % de leurs cotisations mais aussi, d’autre part, équivalente à 4 % du financement apporté par l’État sur la base d'une taxe fiscale affectée. Or, ces sommes ne peuvent en aucun cas être retirées avant le départ à la retraite, car elles sont légalement dévolues aux pensions de retraite et au système de santé. Les retirer prématurément serait de ce fait inconstitutionnel. Avant de prendre sa décision, la Présidente a dit avoir consulté des juristes et la Cour suprême de Justice.

L’équation est loin d’être simple, a souligné K. Kaljulaid, alors que le nombre de retraités ne cesse d’augmenter dans le pays et celui des personnes en âge de travailler de chuter : la réforme menacerait d’augmenter le nombre de ceux susceptibles de tomber dans la pauvreté. Une étude récente d'Eurostat montre que l'Estonie est déjà particulièrement mal positionnée en la matière : alors que 15 % des citoyens de l'UE âgés de plus de 65 ans sont menacés de pauvreté, ils sont 54 % en Estonie.

Deux options s’offrent maintenant au Riigikogu : amender la réforme ou la passer en force. Auquel cas la Présidente pourrait céder et proclamer le texte, ou la faire passer devant la Cour suprême.

Sources : ERR.ee, Postimees, Eurostat.