Festival interculturel à Mostar

Depuis 1993, l'association Guernica A.D.P.E agit en faveur de la réconciliation en ex-Yougoslavie. Entretien avec son président, Laurent Richard.


Regard sur l'Est : Comment est née l'association Guernica ?

Laurent Richard : Fondée en 1993 par des étudiants des universités de Toulouse, l'association Guernica A.D.P.E. s'est inscrite dans le cadre des Collectifs contre la "purification ethnique" qui se constituaient dans les principales villes françaises et formaient le mouvement "Citoyens, Citoyennes pour la Bosnie-Herzégovine".

Aujourd'hui, alors que ce réseau s'est affaibli, l'association Guernica reste ferme sur les différentes responsabilités des "belligérants" dans le passé. Elle a décidé qu'après les accords de Dayton, il n'y avait de "camp" que celui de la société civile, des initiatives citoyennes et alternatives, des syndicats et partis anti-communautaristes et démocratiques et des médias indépendants. Ce "camp"- là est partout, il est au-dessus des trois zones qui cloisonnent la Bosnie-Herzégovine.

Quel est le but de l'association et comment agit-elle en France ?

Le monde associatif constitue, pour nous, la base de l'initiative populaire. Cette base est autonome, incontrôlable dans son ensemble, libre, démocratique, créatrice, autocritique, idéaliste, pragmatique, éphémère et en perpétuelle renaissance. Le nom complet de l'association est Guernica A.D.P.E. pour Association pour la Démocratie et la Paix en Ex-Yougoslavie.

Notre premier but est d'informer et sensibiliser sur la situation en ex-Yougoslavie nos concitoyens français. C'est donc l'information qui est notre grand souci pour notre travail en France et qui concentre nos efforts. Nous avons ainsi développé plusieurs types d'activités pour tenter de lutter contre le manque d'information, facteur d'incompréhension et d'indifférence: la réalisation d'expositions photographiques, l'organisation, de conférences sur le domaine universitaire et dans la ville de Toulouse, l'aide à la diffusion d'œuvres culturelles d'ex-Yougoslavie, l'organisation en France de soirées de soutien aux projets de l'association. D'autre part, l'association participe au réseau associatif toulousain. Elle a participé aux commissions des "Motivés", et elle est inscrite au sein du COUAC (Collectif Urgence des Acteurs Culturels) qui a organisé la mascarade carnavalesque le 24 février dernier à Toulouse.

Quelle est la principale réalisation de Guernica en ex-Yougoslavie ?

Depuis 1997, Guernica organise en complet partenariat avec l'association Drugi Most, un festival interculturel à Mostar. Mostar est un des symboles de cette ex-Yougoslavie éclatée. Durement touchée par le conflit, la ville est toujours divisée entre deux communautés: les Croates de Bosnie à l'ouest et les Bosniaques Musulmans à l'est. Mostar cristallise tous les problèmes issus des conflits yougoslaves: séparation communautaire, mafias présentes à tous les niveaux des structures politiques, économiques, administratives, sociales, culturelles. Mostar compte six mairies, deux facultés, deux postes, deux systèmes éducatifs, deux entreprises de ramassage des ordures, deux hôpitaux, deux polices, deux armées. Chaque communauté a développé son propre système de fonctionnement, souvent dans la plus parfaite illégalité. Le but du festival est, dans un cadre festif, d'apporter une ouverture culturelle aux habitants et de créer des zones de neutralité pour participer à la réconciliation des communautés. Ainsi, durant le festival, des artistes français côtoient des artistes espagnols, bosniens, croates, serbes...

Aujourd'hui les deux associations françaises Guernica et Drugi Most font parties du COFIM (Comité d'Organisation du Festival Interculturel de Mostar), structures qu'elles ont initiées en février 2000. Le COFIM regroupe maintenant 11 associations (dont 7 de Mostar, 1 de Sarajevo et 1 de Barcelone). Le but est de créer une structure locale et une dynamique culturelle et démocratique dans la ville. Cette année deux membres des deux associations sont partis en tant que permanents pour mettre en place la structure.

Quels sont vos objectifs aujourd'hui ?

L'objectif principal des associations Guernica et Drugi Most est maintenant de développer de véritables échanges entre l'ex-Yougoslavie et la France par la venue dans un premier temps, au mois de novembre 2001, d'artistes et de citoyens de Bosnie-Herzégovine dans nos villes de Toulouse et Grenoble. Nous continuons bien sûr notre travail de suivi de l'actualité et de sensibilisation. L'avenir reste incertain par nombre de points. Il en va pourtant, nous semble-t-il, de l'avenir de l'Europe, tant cette région est une des clés de la future construction européenne.

 

Par Clémentine BLONDET
Vignette : Sigle de l'association Guernica A.D.P.E.

244x78