Interview de Sorin Simionoiu, président de l’association de propriétaires « B7 »

Sorin Simionoiu est président de la première association de propriétaires de Roumanie sur internet, « blocb7.idilis.ro ». Entretien réalisé le 26 avril 2006 à Bucarest.


BucarestL’association de propriétaires dont vous êtes le président est la première de Roumanie présente sur le net. Pourquoi avoir créé un site? En quoi cela vous a-t-il aidé?

L’association a créé son propre site parce que le besoin d’échange d’informations s’est fait ressentir. Ce domaine était déficitaire en informations. La loi existe, mais les gens ne la connaissent pas. Moi aussi, quand je suis arrivé à ce poste ici, j’ai rencontré diverses zones obscures, tant du point de vue législatif que pratique et concret. Alors, pourquoi pas un échange d’informations.
La deuxième raison est simplement que je m’y connais dans la réalisation de sites Internet. Mais tout a été fait sans ressources et je n’ai pas de moyens financiers pour l’améliorer… Mais l’important, c’est l’information qui s’y trouve. C’est un site fort visité. Si vous allez voir sur Google, c’est le premier site qui sort quand on tape «association de propriétaires».

Comment qualifieriez-vous la participation des habitants de l’immeuble B7? Croyez-vous qu’ils sont satisfaits et qu’ils s’intéressent à ce qu’il se passe dans leur bloc?

Ici, non, en dehors de l’administratif, je peux dire que les gens ne s’intéressent qu’à leur propre habitation. C’est quelque chose de naturel chez les Roumains. Nous sommes individualistes, même si l’on peut parler d’hospitalité, mais même ici, il s’agit d’hospitalité dans sa propre maison. L’espace commun n’intéresse personne. Et nous, nous administrons les espaces communs, nous veillons à ce que l’immeuble soit entretenu, à payer les dépenses communes, le chauffage, l’eau, le gaz, …
En ce qui concerne la participation, non plus. J’ai insisté à plusieurs reprises pour entreprendre diverses actions : nettoyage des alentours du bloc par exemple… C’est difficile de rassembler les gens, difficile aussi de réunir un fonds pour les réparations, le mécanisme par lequel ce fonds s’approvisionne n’est pas compris. Donc, nous rencontrons d’énormes difficultés. Les gens paient, nous n’avons pas de retards de paiement, nous payons tout au jour le jour, mais s’il s’agit d’un investissement, les habitants renâclent à financer un investissement.
Le volontariat n’existe pas. Ce concept manque cruellement en Roumanie.

Mais quand vous réunissez une assemblée générale, les gens viennent?

L’assemblée se fait conformément à la loi, au moins une fois l’an, et là non plus, les gens ne viennent pas très nombreux.
Pour différentes raisons. Nous envoyons des convocations, comme la loi le dit, deux semaines à l’avance, on l’affiche et on la met sur le net. Et nous parvenons à réunir le minimum nécessaire. Donc sur 40 locataires que nous avons ici, propriétaires plutôt, nous avons la majorité simple, même quand l’on utilise le mandat. En général, 22, 23 ou 24 personnes sur 40 locataires., jamais plus que cela.
La participation collective n’existe pas en Roumanie, c’est chacun pour soi.

Et cette association-ci ne fait pas exception…

Non, ils sont très peu à venir. Et l’administrateur et moi, nous nous battons pour que les gens se bougent, mais c’est dur.

J’avais cru que plus de gens participeraient ici, vu que vous avez un site, etc.

Oui, les gens vont sur le site, mais pas seulement ceux de notre immeuble. Ici, il n’y a pas beaucoup de gens qui vont sur Internet, nous avons beaucoup de retraités qui ne savent pas ce qu’est un ordinateur. En fait, le site n’est pas pour nous, et dans l’immeuble, on doit être cinq à être au courant de l’existence du site, même si l’adresse Internet est affichée dans l’entrée. Pour beaucoup de gens ici, l’informatique est comme une langue étrangère. C’est en vain que nous faisons ce site, mais le site sert aux autres. Il y a un forum, et l’on y trouve énormément de questions. On fait un échange d’informations. Nous avons plusieurs modérateurs, un avocat, un administrateur, et ils ne sont pas de cet immeuble.
Mais c’était aussi une nécessité pour notre immeuble parce qu’on peut y afficher les listes d’entretiens, les dépenses, etc. Mais je n’ai pas pu l’actualiser depuis janvier. On a mis les lois, il y a un forum, on y met des articles de presse.
Et dans la presse, on peut voir le problème de la « thermographie » en Roumanie. Les centrales sont vieilles ici, elles doivent être remplacées, et en attendant, on perd beaucoup d’argent avec tout le chauffage qu’on dépense sans raison. Mais les gens n’ont pas beaucoup d’argent. Si vous voyez le salaire minimum en Roumanie, le salaire moyen, vous avez compris.

Et comment résolvez-vous les problèmes quotidiens, de même que les problèmes les plus graves?

Des problèmes graves, on peut dire qu’on n’en a pas ici. Des problèmes graves seraient par exemple de ne pas avoir payé les factures des fournisseurs, et si l’on ne paie pas, en plus des pénalités de retard, l’eau par exemple serait coupée, sans discussion.
Ici, nous n’avons pas ce genre de problèmes. En effet, nous administrons bien l’association, nous appliquons un système de pénalités, etc. Il n’y a pas de problème pour les dépenses courantes. Par contre, pour les investissements, c’est simple, nous ne pouvons pas nous le permettre. Parce que les gens n’ont pas d’argent. C’est trop cher, c’est possible pour trois ou quatre locataires ici, pour le reste, non, ils sont retraités, et regardez avec quoi ils vivent.

Et la loi ne vous semble pas trop compliquée?

Avec ses lois, la Roumanie est déjà en Europe. Quand nous entrerons le premier janvier dans l’Union, tout l’acquis communautaire s’appliquera, théoriquement, mais pas dans les faits, car personne ne connaît la loi, et personne ne l’applique vraiment. Même chose dans le domaine des associations. Les associations de propriétaires sont une masse amorphe dans lesquelles l’on trouve du plus pauvre, du moins préparé, non-éduqué, etc… à l’opposé. On y trouve toutes les catégories sociales.

Votre association respecte la loi. C’est une exception?

Oui, sûrement. On travaille au noir en général dans les associations de propriétaires, les contrats sont individuels, il n’y a pas de conventions collectives, etc. Nous appliquons la loi exactement comme elle est écrite. On dit que 90% des associations ne respectent pas la loi, même plus en fait.
Et personne ne s’en préoccupe. Le gouvernement ne nous vient pas en aide, avec de l’argent ou d’une autre manière, il ne crée pas les cadres. La loi existe, mais les gens ne participent pas, ne sont pas volontaires, chacun chez soi. C’est le problème et un gros problème.

Comment cela pourrait-il se résoudre? 

Ici, nous sommes sur la bonne voie. Nous respectons la loi, le plus difficile étant de réunir et de rassembler les gens, de changer les mentalités dans les immeubles. Si les gens avaient de l’argent, je crois qu’ils participeraient, mais ils sont fort pauvres. La pauvreté est une entrave au bon fonctionnement, en général.

* Julien DANERO est doctorant à la Faculté de Sciences politiques de l'Université Libre de Bruxelles

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