Kirghizstan : nouvelle menace écologique sur le lac Issyk-Koul

Par Céline Bayou (sources : Vesti.kg, Slovo Kirgizstana)

On en parle depuis longtemps mais la dégradation de la situation est si rapide que les autorités kirghizes le reconnaissent désormais: la «perle bleue» du pays est en danger, menacée par une marée noire. Le deuxième plus grand lac de montagne du monde, situé au nord du pays, serait en effet à la merci d’une pollution qui remonte aux années 1990 lorsque, après la chute de l’URSS, les installations pétrolières de la ville de Balyktchy, à l’extrémité ouest du lac, ont été abandonnées, de même que les installations ferroviaires et… la petite ville elle-même. Avec les années, les tubes laissés sur place se sont détériorés et le pétrole a commencé à s’infiltrer dans le sol. 600 tonnes de pétrole, soit 4.400 barils environ, ont pollué un hectare entier de terres à proximité du lac.

Les autorités de Baliktchy affirment qu’elles s’efforcent de résoudre le problème et d’attirer l’attention de Bichkek depuis 2006, mais que personne ne réagit. Or la ville n’a pas les capacités financières d’intervenir, qu’il s’agisse de lancer des opérations de dépollution ou de démonter ce qui reste des installations polluantes. En ce qui concerne ce démontage, l’actuel propriétaire de la base, Gazprom, serait partiellement intervenu.

Dans la capitale kirghize, le discours est tout autre: selon les services de l’Inspection technique, c’est surtout la passivité des autorités locales qui entrave les travaux. Pendant ce temps, l’infiltration se rapproche dangereusement du lac et, selon les mouvements écologistes, elle pourrait mener à une catastrophe majeure pour ce lac dont les eaux sont réputées.

Maksat Omourov, responsable pour la sécurité écologique au sein de l’Inspection technique, rappelle qu’en 2014 une Commission interdépartementale a été créée afin d’examiner la situation et d’évaluer les moyens nécessaires. Les conclusions de ce groupe ont été remise à la Procurature de Balyktchy, qui les a transférées aux autorités locales. Puis plus rien. Les recommandations n’ont pas été appliquées. M.Omourov impute cet immobilisme aux changements fréquents de personnel au sein de la municipalité.

Mais il se veut également rassurant: il y a un danger, précise-t-il, mais pas pour aujourd’hui. D’ailleurs, au-dessus de la zone polluée, l’herbe continue de pousser! Avis que ne partage absolument l’écologiste Emil Choukourov, de l’Académie des sciences du Kirghzstan, qui décrit un avenir apocalyptique pour la région tout entière, avec des conséquences irréversibles sur les eaux, mais aussi sur la faune et la flore des environs. Il prédit que les autorités à Bichkek ne réagiront que lorsque la pollution commencera à être visible et donc à poser problème pour le tourisme. C’est-à-dire lorsqu’il sera trop tard. Cette catastrophe écologique ne sera pas la première. La région a été en effet durement touchée: en 1998, 2 tonnes de cyanure ont été déversées dans une rivière qi se jette dans l’Issyk-Koul. En 2002, c’est 1,6 tonne de nitrates d’ammoniaque qui a été déversée sur la route de Koumtor. Puis, en 2003, les sols de Balyktchy ont été contaminés par l’infiltration de 10 tonnes de nitrate d’ammoniaque.